East Coast Trail
- Site officiel de l'association s'occupant du sentier
- Ressources très intéressantes pour la longue randonnée sur le sentier
- Tracé du sentier (incomplet)
Mardi 13 juin
Premier jour de vacance, je pars de Montréal dans la matinée dans un petit avion à hélices (je dis petit en comparaison aux avions long-courrier qui font France-Canada, je n'ai que rarement pris l'avion) en direction de Halifax, NS. puis St. John's, TNL. On vole pas très haut (là encore en comparaison aux vols long-courrier) ce qui est cool pour voir les paysages du Maine, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse (c'est à dire du plat recouvert de forêts et de lacs, aucune différence avec le Québec…).
J'arrive au dessus de St. John's, mais pas d'iceberg en vue dans l'océan :-(.
Une fois sorti, gros choc thermique, il devait faire 25 °C à Halifax avec un
beau soleil, ici il fait à peine 10 °C avec un fort vent froid et humide et une
fine bruine.
À St. John's, je voulais acheter les cartes du East Coast Trail, mais comme le
vol a pris du retard et que les bus ne sont vraiment pas fréquent entre le
centre-ville et l'aéroport, je n'ai plus le temps, il est déjà 19h
et les magasins ont fermé. Il faudrait que je passe une nuit
en ville pour pouvoir acheter ces cartes, où je ne sais même pas ce qu'il y a
dessus. Je me dis que ça ne vaut pas le coup, je ferai avec les cartes
OpenStreetMap que j'ai imprimé, et je commence la rando.
Pour sortir de la ville, je longe tout le port de St. John's, c'est principalement un port industriel avec beaucoup de porte conteneurs et d'énormes bateaux de pêche, des citernes d'Irving Oil puis atteint enfin Fort Amherst, la pointe sud de l'entrée du port, où commence le sentier. J'ai vraiment froid aux oreilles et aux mains avec ce vent froid et humide qui souffle en continu.
Fort Amherst.
Heureusement après quelques kilomètres, je trouve sans trop de difficultés un beau spot de bivouac abrité du vent (je me dis que ce sera le principal défit ici), et avant qu'il ne fasse trop sombre. En bonus, j'ai vu sur les lumières de St. John's !
Mercredi 14 juin
Je me réveille tôt malgré le petit décalage horaire d'1h30. Il fait grand ciel bleu mais ça ne veut rien dire. Je constaterai tout au long de ma rando qu'en un quart d'heure le ciel peux passer de sans nuage à complètement bouché de partout et redevenir bleu ensuite. En tout cas ça vente toujours autant.
Signal Hill.
Je marche dans une alternance de forêt d'épinettes et de broussailles. Les vues et le bruits de l'océan sont omniprésents. C'est beau et je suis excité de découvrir ces paysages nouveaux.
Il y a beaucoup de coins sympa pour s'arrêter le long de la côte : les parterres de bruyère sont tellement denses et ra que c'est très confortable de s'assoir et faire une sieste dedans, ça épouse parfaitement la forme du corps.
J'atteins Cape Spear en milieu de journée, point le plus à l'est du Canada, et en fait de toute l'Amérique du Nord. Il est classé site historique du Canada et est donc un coin à touriste. Le cap n'est pas très beau en lui même et il y a plein de monde un peu partout. C'est ici que se trouve aussi le plus ancien phare de Terre-Neuve encore en l'état. L'intérieur est assez bien reconstitué montrant à quoi ressemblait la résidence du gardien du phare, avec beaucoup de détails.
Cape Spear et son phare.
J'en profite aussi pour tenter ma chance dans la boutique et voir si ils n'auraient pas les cartes du sentier. Ils me proposent juste un livre sur le sentier, imprimé sur papier glacé qui doit faire pas loin du kg. Merci je vais m'en passer !
Au delà de Cape Spear, le paysage est complètement différent. Je marche dans un endroit entièrement dégagé, une sorte de toundra/tourbière. Ça souffle évidemment très fort, mais c'est très beau.
Je poursuis au sud vers North Head (c'est plus rigolo en anglais, I head south to North Head), où j'aperçois au loin… mon premier iceberg ! Trop content, je voulais absolument en voir, et j'en aperçois un dès le premier jour de marche ! Il ne semble pas bougé, il doit s'être échoué sur le cap en face. J'espère qu'il sera toujours là demain pour pouvoir le voir de plus près.
Je m'arrête tôt, en milieu d'après midi un peu avant d'arriver à Maddox Cove. L'endroit est super, une belle pelouse, j'entends l'océan juste en dessous et j'ai vu sur mon iceberg. C'est très venteux mais je sais que si je passe de l'autre coté de la crique ça sera pire.
Jeudi 15 juin
Grâce mat' ce matin. Je vois sur l'eau des oiseaux noirs qui ressemblent à des petits pingouins. Ce sont en fait des guillemots. Je traverse le village de Maddox Cove, c'est des maisons récentes et moches puis Petty Harbour (du français petit port), petit port de pèche bien plus joli avec des veilles maisons en bois. Ça fait un peu abandonné mais il y a de l'activité dans le port.
Passé les habitations, c'est de nouveau un magnifique passage de tourbière avec quelques rares épinettes sur les hauteurs. Le vent doit souffler à pas loin de 100 km/h en continu, j'ai du mal à marcher droit. Mon sac n'est pas bien gros mais offre quand même une bonne prise au vent de coté.
J'atteins le cap où l'iceberg s'est échoué, il est vraiment tout près. Je m'y approche par les rochers. J'en verrai d'autres ensuite, mais c'est le plus beau et aussi celui que j'aurai pu approcher d'aussi près !
Le paysage se transforme petit à petit en parterre de bruyère, puis de plus en plus d'arbres réapparaissent, principalement des épinettes et sapins, jusqu'à n'avoir plus que de la forêt. J'arrive au Spout, sorte de trou souffleur actionné par la houle en dessous, dans lequel s'écoule un ruisseau. Ça fait de magnifiques geysers ! J'y vois pas loin mon deuxième aigle pêcheur, un autre iceberg bien au large et un orignal sur le sentier, mais que j'ai juste le temps d'entrevoir avant qu'il ne s'enfonce dans la broussaille.
Je marche jusqu'à tard en fin de journée, faute de trouver un emplacement correct de bivouac et de l'eau, jusqu'à arriver en vue d'un phare, sur la pointe nord de Bay Bull. Je m'installe là. Le phare n'éclaire pas grand chose, dommage, par contre j'assiste successivement à un très beau levé de lune puis de soleil le lendemain au dessus de l'océan.
Vendredi 16 juin
Le vent est bien moins fort maintenant, c'est plus agréable. Je vais voir le phare, ça semblait qu'on pouvait y monter avant mais ce n'est plus le cas, puis me dirige vers la communauté (tous les petits villages-ports de pêche s'appellent des community ici) de Bay Bull.
Je me crois vraiment dans les Alpes maintenant, c'est fou : je marche dans une pente, sous une forêt d'épinettes et de mélèzes, avec de l'herbe, des fleurs des bois et de la mousse au sol. La seule différence est le bruit de l'océan en bas. D'ailleurs il y a même un B&B plus loin qui s'appelle le Bread & Cheese. Je ne sais pas si ils y servent de la fondue !
À Bay Bull, je rencontre un couple qui fait du tourisme, ils viennent de Vancouver pour découvrir l'autre bout de leur pays. Je profite de l'épicerie de Bay Bull pour me faire un repas de fruits et légumes, puis continu vers Witless Bay, où je m'arrête pour le midi, là encore dans un tapis de bruyère avec vue magnifique sur la baie, les îles de la Witless Bay Ecological Reserve et un autre iceberg échoué plus loin. En mangeant, je vois et entends souffler mes premières baleines qui nagent dans la baie et passe un moment à les observer.
Je vois aussi des Fous de Bassan qui pêchent. De loin on dirait des goélands ordinaires, mais ce qui est vraiment impressionnant c'est de les voir pécher, de 40 mètres au dessus de l'eau, ils plongent à la verticale puis poursuivent les poissons une fois dans l'eau. C'est la première fois que je trainais mes jumelles en longue rando (263 g quand même), en sachant que j'allais voir pas mal de faune, et je ne le regrette pas ! Ça sera une de mes meilleures pose du midi.
Bay Bull et Witless Bay sont très touristiques du fait de la réserve écologique et je croise pas mal de randonneurs à la journée. Il y a plusieurs départ pour des expéditions en bateau autour des îles pour observer les icebergs, baleines et oiseaux maritimes. Je comptais éventuellement en faire un, mais comme j'ai vu pas mal de chose depuis la côte jusqu'à présent, je me dis que ça ne vaut pas vraiment le coup.
Je rencontre un autre couple qui randonne à la journée, encore des canadiens mais de Toronto cette fois. Le gars est prof de français au primaire, donc parle un peu le français \o/. Très sympa aussi.
Une fois la communauté de Witless Bay dépassée, la côte est toute plate avec de belle plages de galets et des forêts de sapins à moitié dégarnis, probablement à cause des forts vents et de l'air marin. C'est de nouveau très venteux, donc je ne m'arrête pas sur les plages et marche plus vite.
D'ailleurs, je ne sais pas combien de kilomètres je marche par jour, mais j'ai l'impression d'avoir fait plus de la moitié de la rando après seulement 3 jours de marche. Je revois mes plans pour poursuivre après Ferryland, la communauté où je comptais arriver au bout des 8 jours. Généralement je marche toujours plus que ce que je prévois, mais là c'est un peu bizarre.
Cette nuit je dormirai dans une clairière juste avant Tors Cove, au milieu d'épinettes et trop loin de l'océan pour l'entendre.
Samedi 17 juin
Je traverse la communauté quasi abandonnée de Tors Cove, puis je suis la route, beaucoup de route, vraiment beaucoup. Habituellement quand je traverse une communauté, il y a toujours un peu de route à faire, puis pour retrouver le sentier c'est pas très compliqué, généralement il suffit de suivre la route la plus proche de la côte, le sentier reprend au bout. Mais là c'est moins évident. Je me demande si je ne l'ai pas loupé à un moment donné.
Finalement non, c'était bien normal, j'arrive à Beauline, un mini port de pêche coincé dans une petite crique et je retrouve le sentier. Il y a un énorme groupe de randonneurs avec des sacs plus gros qu'eux qui s'apprêtent à partir sur le stationnement du port, qui est complètement plein par ailleurs, chacun a dû venir avec son camion évidemment… Je me dépêche de rejoindre le sentier pour être sûr de passer avant eux. Malheureusement, plus loin sur le sentier je tombe sur un autre groupe d'une dizaine de randonneurs visiblement partis pour plusieurs jours eux aussi. On est samedi est ça se voit :-(.
Il fait nettement plus chaud aussi, la température a dû passer de 13 à 20 °C. Et les mouches noires sont de sortie mais ça reste supportable, elles sont pour le moment moins affamée que ce que j'ai pu vivre au Québec.
Je traverse La Manche Provincial Park et son fameux pont suspendu, qui attire énormément de familles venues pour y pique-niquer. Par une pure coïncidence, je passe sur le pont le jour de son anniversaire d'après la plaque (qui est d'ailleurs, double coïncidence, aussi le mien) !
Je traverse énormément de forêts, mais il y a toujours de belle falaises. Je m'installe sur un petit cap rocheux pour manger, bien au vent (cette fois !) et loin de la forêt pour être tranquille vis-à-vis des mouches. Je vois à nouveau une baleine vraiment proche de la côte et… un phoque en train de chasser dans les vagues le long des rochers !
Durant toute la journée je doublerai et me ferai doubler par le gros groupe de randonneur de ce matin. On doit marcher à la même vitesse mais on ne s'arrête pas aux mêmes moments. Ça m'énerve. Heureusement ils arrêtent en milieu d'après-midi à un endroit de bivouac aménagé. Je suis tranquille pour le restant de la journée !
Le soir en faisant le point je réalise au passage que je me suis complètement planté en calculant les distances lors de la préparation de ma rando, je ne sais pas comme j'ai fait mais j'ai compté qu'une centaine de kilomètres pour ces 8 jours, alors que je voulais en faire environ 200/240 km. Ça explique pourquoi j'avançais plus vite que prévu. C'est pas grave, je décide simplement de continuer au delà de Ferryland, et en fait jusqu'à la fin sud du sentier.
Dimanche 18 juin
Aujourd'hui le temps est majoritairement gris avec un peu de bruine de temps à autre, ce qui est plutôt une bonne chose car je ne verrai personne sur le sentier malgré qu'on soit dimanche.
Je passe par les communautés de Cape Broyle (qui n'est pas sur un cap mais dans une anse comme toutes les autres communautés) puis Ferryland. Il y a un petit site de fouilles archéologiques avec quelques panneaux d'information, et j'apprends que Ferryland (dérivé du français forillon, petit cap rocheux) était le principal port de Terre-Neuve, surtout occupé par les français. Aujourd'hui il compte 465 habitants (ce qui est bien plus que toutes les autres communautés que j'ai traversées jusqu'à présent !). D'après les fouilles, chaque nation qui s'était établie à Terre-Neuve (français, portugais et britanniques) avait leur façon bien à eux de faire sécher la morue.
Je refais un ravitaillement de bouffe à l'épicerie du coin pour compléter certains repas qui me manquaient. Gros défit de trouver ce que je veux, par rapport aux petites supérettes de village en France. Pas de noix, arachides, de chocolat… Même pas de produits locaux de la mer, alors que le port de pêche est à 500 mètres, beaucoup trop près, c'est mieux de faire venir des trucs d'Amérique du sud ou d'Europe. Bref j'en ressors avec une sorte de saucisson cuit sans gout qui ressemble un peu à du saucisson à l'ail et des biscuits qui se vantaient d'être faits avec du vrai beurre, de vache, naturel et tout ! Et des fruits que je mange dessuite.
Lundi 19 et mardi 20 juin
Depuis dimanche, le sentiers est de moins en moins intéressant ; les paysages sont toujours les mêmes, composés de forêts de sapins et d'épinettes dont beaucoup sont dégarnis/morts/tombés sur le sentier. C'est pas très beau. C'est moins sauvage aussi, je traverse de plus en plus souvent des communautés et doit faire parfois de longues portions de route. Les anses sont bien plus profondes et c'est vraiment frustrant de devoir marcher plein ouest pendant une dizaine de kilomètres, puis encore 10 km plein est pour la contourner et revenir sur la côte.
Je recroise un couple très sympathique de randonneurs à la journée que j'avais déjà croisé quelques jours avant. Ils venaient de Washington DC. Le gars est pas mal intéressé par mon sac minimaliste.
À Fermeuse, autre petite communauté, alors que je marchais sur la route une femme en camion arrête et me propose de m'amener au début du prochain sentier. Elle fera même un détour sur son trajet, sympa ! Elle connait bien le East Coast Trail et la région. J'apprends que les baleines que j'ai vu sont des baleines à bosses ou des baleine de Minke (ou petit rorqual). Et que même si j'ai pu voir des icebergs en cette saison, plein de monde fait le sentier en mai car il y a vraiment tout un défilé d'iceberg en permanence dans l'océan et que c'est magnifique. Dans une autre communauté, un gars me proposera encore une ride… alors qu'il allait dans la direction opposée ! Vraiment sympa les locaux par ici.
Comme j'enchaine les caps et les anses, c'est fou comme je sens la différence d'air. Le vent est toujours le même, mais l'air est chaud est sec après être passé sur de la forêt, et frais, humide et chargé en iode quand il vient direct de l'océan.
Malgré le paysage moins intéressant, il y a quand même quelques belles plages. Je descends dans quelques une, ça donne vraiment envie de se baigner. Mais je suis pas capable de laisser seulement mes pieds plus de quelques minutes dans l'eau, elle est entre 3 et 4 °C en cette période d'après ce qu'un local m'a dit !
Mardi soir, alors que je cherchais un endroit de bivouac j'aperçois un phoque sur les rochers, complètement hors de l'eau qui guettait la mer. Il ne me vois pas depuis le sentier et j'ai le temps de l'observer. C'est marrant à voir, ça a vraiment l'air d'un gros machin tout rond et tout lisse.
Je verrai aussi un renard roux qui marchait sur le sentier.
Mercredi 21 juin
J'atteins Cappahayden, mercredi matin à 8h00 ! C'est la fin du sentier.
Je suis vraiment satisfait d'avoir vu tout ce que je voulais voir (icebergs, oiseaux marins, baleines, même des phoques…). Le sentier était très plaisant les premiers jours avec beaucoup de paysages différents, la portion que j'ai le plus appréciée est de Fort Amherst (St. John's) à Witless Bay. Au delà c'était plus monotone et les falaises moins spectaculaires que ce que j'ai vu les jours précédents. Et la météo était vraiment top, je n'ai eu aucun jour de pluie !
J'avais prévu de marcher encore la journée de mercredi initialement, donc j'ai à peu près un jour d'avance sur mon programme. Je décide de ce temps gagné pour aller finalement faire une excursion en bateau à Bay Bull, pour voir les oiseaux marins de plus près. C'est sur mon chemin du retour à St. John's de toute façon, pas de détour à faire.
La highway 10, qui connecte toutes les communautés de la côte jusqu'à St. John's est déserte à cette heure-ci, il y a une voiture toutes les 10 minutes mais la seconde qui passe me prend, un record ! Et ce n'est pas un coup de chance, je n'attendrai pas plus de 15 minutes gros maximum pour qu'on me prenne. Un québécois que je rencontrerai plus tard à St. John's me confirmera que, lui aussi, il n'a pas eu de misère pantoute à faire du pouce. Par contre les gens ne vont généralement pas bien loin, ça m'aura pris 3 auto pour aller à Bay Bull. C'est marrant de repasser dans les communautés que j'ai traversé à pied les jours précédents.
Une des personnes qui m'a prise était un pêcheur, son fils a pris la relève. Il m'explique qu'il y a un nombre limité de licences de pêche accordées par l'état (pour éviter les surplus de pêche) et qu'elles se transmettent généralement de père en fils, sinon se vendent (très cher) de pêcheur en pêcheur. La pêche ici concerne uniquement la morue, et un peu le crabe des neiges et les crevettes. J'aurai cru qu'il y aurait plus de diversité de poisson mais non. En fait pour eux, fish se traduit carrément par morue, personne ne parle de codfish.