Les Rocheuses, deuxième essai !

Après 13 heures de bus depuis Merritt, que je n'ai pas vu passées, j'arrive à Canmore, en Alberta. J'ai pas mal de surprises. Déjà la fumée est totalement partie ! Il y en avait encore un peu en traversant le sud de la Colombie-Britannique, mais plus rien ici. Ensuite les premières neiges sont arrivées la veille, les sommets sont tachetés de blanc, c'est beau ! J'apprends aussi que Peter Lougheed Provincial Park, où je devais passer, était fermé en grande partie à cause du risque de feu de forêts, interdiction qui a été levée suite aux averses de la veille, ouf ! (Et oui on passe des feux de forêts à la neige sans transition). Et enfin, malheureusement, une autre partie du même parc est fermée à cause d'une attaque d'un grizzly qui défendait une carcasse. Ça m'embête car le début de ma rando passe dans cette zone interdite justement, et ça promettait d'être une belle portion en altitude.

Je passe la nuit dans un camping à Canmore et vais à la micro-brasserie locale, The Grizzly Paw, en espérant que ça me porte chance pour en voir, mais de loin. Il fait effectivement pas mal froid dans la vallée au matin, quelques degrés mais la météo s'annonce très belle pour les prochains jours.

Le temps d'imprimer mes cartes et d'en acheter une autre (il faut toujours jongler avec différentes cartes, aucune n'est complète...), je me rend en pouce jusqu'aux Kananaskis Lakes, avec pas mal de difficultés car peu de monde passe par là et la route de terre est tellement mauvaise qu'on avance pas vite. Je fini la route avec une vielle personne avec qui je m'entends bien, qui "randonne en voiture". Il ne peux plus randonner à pied à cause de cailloux dans le sang, c'est assez triste je trouve, donc reste dans sa voiture, mais semble voir quand même plein d'animaux, il m'indique toute les places où il a vu des ours noirs le long de cette route. J'arrive enfin en milieu d'après-midi et réorganise ma rando à cause de la zone fermée et du temps qu'il me reste aujourd'hui.

Les Kananaskis Lakes sont des lacs de barrages. L'endroit est assez touristique et trop aménagé à mon goût pour trouver ça joli mais il faut reconnaitre que les sommets tout autour sont magnifiques.

Je suis donc dans Peter Lougheed Provincial Park et débute une longue montée vers Aster Lake où je compte passe la nuit. Mauvaise surprise, j'apprends qu'il faut un permis pour dormir dans ce parc, j'avais en tête qu'on payait directement en mode self-registration comme dans la plupart des parcs en Colombie-Britannique. Mais là c'est l'Alberta. Ça m'énerve vraiment le Canada pour ça. Pourquoi toujours rendre des choses aussi simples compliquées comme ça avec de la paperasse alors que je veux juste m'arrêter pour la nuit. Comment dans une rando de 8 jours je peux savoir où je dormirai le quatrième jour, alors que même le matin pour le soir, je ne le sais généralement pas. Personne ne peut prévoir la météo pour dans 4 jours, surtout en montagne, je peux rencontrer des rivières trop dangereuses à passer à gué m'obligeant d'attendre le lendemain matin alors que le niveau soit plus bas, je peux avoir simplement un coup de fatigue, ne pas trouver un sentier, aucune visibilité pour passer un col, bref plein d'exemples qui fait que ce n'est pas possible, voir dangereux en prenant des risques inutiles, de s'imposer un timing aussi précis.

Il y a une cabane des gardes du parc pas loin du camp, je vais la voir (en fait ça me prendra 1 heure pour la trouver, elle est bien cachée !) pour leur expliquer mon cas et payer directement à eux pour cette nuit. Quand je la trouve enfin (un super beau chalet !), elle est fermée.

Tant pis, je m'installe au camp. Il y a 5 autres groupes de randonneurs, mais on ne se parle pas. C'est vraiment un truc étonnant ici : à chaque fois que je partage le camp avec d'autre monde, la règle est de ne pas se parler, c'est déjà super dur de leur faire dire juste un bonjour. Alors que partout ailleurs les canadiens sont plutôt sur-polis, avec bonjour comment ça va et tout. Une israélienne que j'avais rencontrée qui randonnait aussi sur plusieurs jours partageait cette impression, c'était carrément insultant de ne pas se parler comme ça.

Je me retrouve à planter mon abri dans un carré de graviers bien délimité, au milieu des autres tentes, on est tous entassé là. J'aime pas ça, si je suis venu là, c'est pour profiter d'être seul au milieu de la nature, entouré de montagnes. À la limite si on pouvait se parler ça pourrait faire de belles soirées, c'est rare de rencontrer des randonneurs sur plusieurs jours, il y a plein de choses qu'on pourrait partager, des infos intéressantes sur les sentiers, la passabilité des cols, des expériences, etc... Mais là chacun est dans son coin, bonjour l'ambiance.

En plus de ça je suis obligé de mettre mon abri sur un sol de cailloux au lieu de terre ou d'herbe bien plus confortable, pour "préserver les sols". Je veux bien, mais alors dans ce cas pourquoi forcer tout le monde à dormir uniquement dans les endroits désignés aussi ? Forcément que s'il y a du monde qui viennent dormir exactement à la même place chaque nuit ça va détériorer le sol. Ça aussi c'est énervant. Car en plus de la contrainte imposée, ça a aussi des conséquences sur l'environnement, des animaux ayant besoin de tranquillité s'en vont, d'autres s'habituent à la présence de nourriture comme les ours, voir pullulent comme les souris, du fait des miettes de repas. Pourquoi ne pas tolérer le bivouac d'une nuit n'importe où, qui n'a que peu d'impact et d'imposer de dormir dans les endroits désignés si c'est pour rester plusieurs jours ou aux endroits très populaires comme des lacs ? L'avantage quand même que je vois aux camps aménagés est que, pour certains du moins, il y a une toilette sèche ce qui évite de polluer le sol et une cache à ours, ce qui évite d'avoir à chercher à suspendre sa bouffe. En montagne quand les seuls arbres sont des épinettes et des sapins, ce n'est vraiment pas évident.

Fin de ma réflexion, je fini de manger à la nuit et pars me coucher. La nuit est froide et il a gelé. Ça me fait une différence, dire que la semaine passée je me baignais dans la mer 2300 m plus bas !

J'ai une désagréable surprise au matin au moment d'aller chercher mon stock de bouffe : alors que je finissais de manger la veille à la nuit, les souris sont venues se servir dans mon sac, pourtant à mes pieds. Je n'ai rien vu ni entendu. En moins de 20 minutes, elles m'ont vidées mon sachet entier de cajoux, un autre d'amandes, tapées dans mes biscuits secs... Et ça se voit qu'elles ont le goût du raffiné, les graines pas chères genre arachides, tournesol et autre elles ont fait le tri dans le sachet ! Bon, il devrait quand même me rester assez de nourriture pour la suite, au pire je me rassionerai un peu.

Aujourd'hui je prévois de faire la Northover Ridge, qui promet de me donner des magnifiques vues sur les plus hauts sommets des rocheuses de la région. Et je suis servi, ce sera la plus belle section de ma rando. La route d'ascension dans les pierriers est raide mais facile à suivre, la crête, à 2800 mètres au plus haut est par moment juste une arrête rocheuse, je surplombe Northover Glacier, il y a des sommets tout autour, j'ai des vues plongeantes dans les vallées... Enfin des vraies montagnes ! Je suis tellement content d'être là, ça n'a rien à voir avec tout ce que j'ai vu jusqu'à présent dans mon séjour ici. Je ne regrette pas d'avoir fait le tour de la province, mais c'est un peu comme visiter les Cévennes, le Jura... et ensuite les Alpes : ça fait une différence. Je me rends compte en fait que, hormis les 3 jours sur le Juan De Fuca Trail, je n'ai pas randonné depuis 1 mois. Et pire que ça, depuis que je suis ici, soit 2 mois, je n'ai fait que 4 randos. Alors que j'étais justement venu là pour en faire un max. Il s'avère que finalement, c'est assez compliqué de se déplacer en étant juste à pied, de un, et surtout de 2, c'est pas facile de préparer ma prochaine rando en étant toujours "sur la route". Et à chaque fois j'ai l'impression de commencer une rando à l'arrache sans aucune préparation. D'habitude je consulte des cartes, des vues satellite pour la passabilité des cols ou crêtes, lis des récits d'autres randonneurs... Mais avec juste un téléphone et un accès Internet sporadique, impossible de faire tout ça. Ce n'est pas très pénalisant si je suis un seul long sentier comme ça a été le cas pour la Stein Valley, le Sunshine Coast Trail ou le Juan De Fuca, il suffit de suivre le sentier et de lire les quelques info de l'organisme qui le maintien. Mais pour Tweedsmuir et ici, où je fais moi même mon propre sentier en connectant des bout par ci par là et des passages en hors-sentier, ça me demande plus de recherche. Je l'ai constaté à mes dépends pour Tweedsmuir, où ma longue rando prévue s'est transformée en plusieurs petites rando car je n'avais pas connaissance que les sentiers n'étaient plus entretenu. Là je n'ai encore aucune idée de l'état des sentiers, notamment ceux en fond de vallée, que je vais emprunter. Et j'ai choisi de limiter fortement le passage de col ou de crêtes faute de savoir si j'allais me retrouver fasse à des falaises ou pas. Bref, j'en viens à la conclusion que mixer voyager à pied et longues randonnées un peu engagées ne marche pas bien ; il faudrait que je me pose à une place fixe un certain temps, avec tout le nécessaire pour bien tout préparer. Je réfléchis à ça pour une prochaine fois.

Je redescend de la crête pour me retrouver dans une vallée glacière, puis redescend encore plus bas en fond de vallée. Je vois deux animaux bizarres, là sur le sentier, très haut sur leur pattes arrières : des sacs-à-dos sur pattes qui avancent. Dans un lacet du sentiers ils se retournent et il s'avère qu'il y a des gens derrières leur sac ! Bon je sais c'est méchant. Mais quand même. Je pense pouvoir rentrer en entier dans leur sac. Ils sont déguisés en militaire et l'un d'eux porte... une hache ! Attention hein, pas la petite hachette, la vrai hache de 1 mètre pour refendre du bois. Comme s'ils allaient trouver des buches à refendre là-haut. Et puis les feux de camp y sont interdits de toute façon.

Je remonte dans une autre vallée vers Turbine Canyon en passant par des belles prairies alpines. J'aime particulièrement les paysages alpins ici : la flore est bien plus variée que dans les Alpes du sud, où c'est beaucoup d'herbes pour les moutons. Ici il y a de la bruyère et plein d'autres plantes que je ne connais pas qui donnent des tons verts, orangés, rouges et blancs. Et il y a toujours quelques mélèzes au milieu de tout ça.

Arrivé à Turbine Canyon Camp, même scénario que la veille puisque je suis toujours dans le parc : je vais trouver la cabane des garde, fermée aussi, donc je m'installe là. Je monte aussi voir Haig Glacier puisque j'ai un peu de temps. Quand je reviens, je trouve une autre personne au camp. Il est plus ouvert que les autres personnes rencontrées jusqu'à présent et on peut parler. C'est un randonneur solitaire qui est là pour plusieurs jours et fait des randonnées à la journée à partir du camp. Sur le coup je me dis que c'est bien plus intelligent que mon circuit en fait. Au lieu d'essayer de connecter des sections intéressantes par des longs passages dans des fonds de vallées et de porter constamment mon stock, je me pose à un endroit et vais explorer les sommets, lacs et glaciers aux alentours. En France comme il y a des sentiers partout et qu'on ne peut généralement pas passer plus d'une nuit au même endroit dans les parcs, j'avais pris l'habitude de faire ça. Mais au Canada c'est différent, il y a très peu de sentier, donc ça implique de faire de longs détours. En plus vu comme ça, un permis pour dormir au camp fait plus de sens et c'est facile de savoir les dates qu'on y restera. Bon, en réfléchissant à nouveau plus tard, une des principales motivations que j'ai en randonnant plusieurs jours et de voir des nouveaux paysages chaque jour et la satisfaction d'avancer, de voir que hier j'étais tout là-bas. Je n'aurai pas ça en restant à la même place.

En tout cas ce gars là est super sympa, il explore depuis plusieurs années cette région. On partira ensemble le lendemain puisque on a un début de sentier en commun.

La nuit on entend un our passer et grogner près du camp. Je pensais que c'était juste un orignal mais l'autre randonner m'assure que c'était un ours, même si on a vu aucune trace au matin.

Encore une belle journée qui s'annonce. On se dirige vers Maude Lake puis North Kananaskis Pass, puis je redescend dans la Palliser Valley. Je suis repassé en Colombie-Britannique et maintenant dans Height Of The Rockies Provincial Park. Ce parc est très sauvage car la route forestière qui y mène est longue et en mauvaise état, et il faut la prendre tout au sud des Rocheuses Canadiennes. Il est surtout fréquenté par des cavaliers et on peut dormir où on veut sans nécessiter de permis. Le parc héberge le Royal Group, un ensemble de sommets de plus de 3000 m ayant des noms de princes ou reines d'Angleterre probablement. Mais comme les rares sentiers de ce parc sont en fond de vallée pour la plupart, je n'ai pas de vue dessus. Je les voyais bien mieux hier depuis la Northover Ridge.

Une fois le fond de vallée atteint, j'arrive à une sorte de camp semi-aménagé pour cavaliers. Le célèbre Great Divide Trail remonte vers le Palliser Pass puis se poursuit dans Banff National Park, moi je dois redescendre la vallée vers le sud, mais je ne trouve pas de sentier, tout est envahi. Je suis ce qui ressemble plus à des sentiers d'orignaux.

Je m'arrête un coup pour manger, dans le lit de la rivière et essayer de savoir où j'en suis. Seulement 2 km de parcourus dans cette végétation, j'en ai encore 10 autres à faire avant de retrouver un autre sentier. Je repense à un guide de rando qui s'intitulait "Don't waste your time in the Canadian Rockies". C'est exactement ce que je suis en train de faire : marcher dans un fond de vallée sans aucune vue alors qu'il y a bien mieux à voir ici. Je décide de faire demi-tour, ressortir de cette vallée et rattraper mon itinéraire ailleurs. Encore une fois j'abandonne devant des sentiers plus entretenus. Ça me donne vraiment l'impression de ne pas être très courageux, d'abandonner à la première difficulté.

Alors que je reviens sur mes pas (façon de parler puisqu'impossible de savoir exactement où j'étais passé), je tombe sur... le sentier, le vrai ! Il y a en plus plein de traces de chevaux et du crottin frai ! Bon, qu'est ce que je fais maintenant que je me suis mis en tête de faire demi-tour ? Je me donne une seconde chance et continue sur mon plan initial. Je croise plus loin 2 cavaliers avec plusieurs chevaux de bas sur le sentier. J'en profite pour savoir si le prochain sentier que je devrai prendre est toujours existant ou pas.

Le sentier finit par passer uniquement dans le lit de gravier de la rivière, au fur et à mesure que celui-ci s'élargit. Je dois d'ailleurs la traverser à gué une dizaine de fois, heureusement qu'en cette période de l'année le niveau est bas et le courant peu fort. Au moins j'ai un peu de vue sur les falaises alentour. Comme je regarde beaucoup parterre pour suivre les traces de chevaux, seules indices pour m'assurer de ne pas manquer le moment où le sentier repartira dans le bois, je vois aussi des traces d'ours et de loup (je pense), et bien sûr beaucoup de traces d'orignal et d'autres ongulés.

Une fois la jonction avec la Joffre Valley atteinte, je la remonte par le Joffre Creek Trail. Le sentier est balayé par les avalanches par endroit mais tout de même bien visible. Cette vallée est beaucoup plus encaissée, mais comme je suis sur son versant sud, j'ai une végétation très aride avec beaucoup de genévriers et de pins, qui me font penser aux Alpes de Haute-Provence. Le sentier est trop raide pour les chevaux mais à ma grande surprise je croise deux autres personnes, venus là pour passer quelques jours à des lacs plus haut, à explorer les environs. Décidément ça se fait bien ici.

J'arrive au col un peu plus tôt que prévu, je serai bien allé voir les lacs en question, mais ça me fait un détour non-négligeable. Je me contente de grimper sur un sommet en espérant les voir, mais je n'aperçois qu'un bout de glacier. J'ai en tout cas une magnifique vue sur les falaises abruptes qui séparent les deux provinces, et déterminent la ligne de partage des eaux.

Je redescend du col pour me retrouver dans une vallée brûlée. Le sentier a disparu et je marche dans un tas d'arbres tombés et dans la végétation basse qui repoussent. C'est plein de bleuets, tellement que ça sens très fort. Ils sont aussi gros que les bleuets cultivés du Québec. Ça ne me rassure pas, dans une végétation ouvertes comme ça c'est plutôt des grizzlis. Et ils risquent de ne pas apprécier me voir marcher en plein dans leur nourriture, alors qu'ils doivent activement être en train de s'engraisser en cette période. Je fais du bruit et me force à parler. J'ai du mal à penser à voix haute, ça fait bizarre au début mais à force ça vient plus facilement. J'ai du mal à retrouver le sentier, je zigzag donc d'un bord à l'autre de la vallée pour essayer de tomber dessus. Je fini par le retrouver et avance bien plus vite. Je remarque aussi des traces de chevaux, juste un je pense, et qui remonte la vallée, mais pas de retour. C'est bizarre car c'est bien trop raide pour sortir de cette vallée à cheval.

Au fur et à mesure que je descend la vallée, les pins noirs ont commencés à repousser. Cette portion n'a pas beaucoup d'intérêt. Mais je suis content de m'être posé et d'avoir décider de tenter de chercher activement le sentier avant cette portion (et de l'avoir retrouvé) car je n'aurai pas pu avancer là-dedans. J'arrive enfin dans un endroit dégagé, un autre camp de cavalier improvisé. Il est un peu tôt mais je décide de m'arrêter là pour la nuit. Je suis juste à l'intersection pour monter au col qui me sortira de cette vallée, et les arbres brûlés ont été coupés tout autour du camp, donc pas de risque qu'un me tombe dessus durant la nuit.

Alors que je me pose, j'entends des pas lourds. Je me retourne et vois un cavalier arriver. C'est les traces de cheval que je voyais tantôt, ont a dû se croiser sans se voir dans la vallée, alors que je cherchais le sentier. Il parcours les Rocheuses à cheval, car comme les vallées sont longues et plates, ça se fait bien. Et ça évite devoir marcher dans les marécages ou les rivières aussi. Ça à l'air vraiment cool, le voir avec son cheval et tout équipé me donne envie d'en faire. Mais là contrairement au canot ou kayak de mer que j'ai fait, il me faudrait un guide. Je garde ça en tête pour une prochaine occasion. Il a vu deux grizzlis dans les buissons de bleuets, qui sont juste partis quand ils l'ont vu. Ben zut alors, finalement j'aurais bien aimer les voir aussi maintenant !

La nuit s'est passée sous de grosses averses, et à partir de maintenant le temps des prochains jours sera plus variable. Je débute la journée par l'ascension de Pass in the Cloud, quel joli nom pour un col ! Je suis à peu près au milieu de ma rando et vraiment en plein centre des rocheuses, hormis quelques routes forestières quasiment pas fréquentées, je suis à plusieurs jours de marche d'un quelconque accès routier. J'ai le sentiment d'être en plein milieu de nulle part, dans les Rocheuses sauvages et isolées.

La première partie se fait dans la forêt brûlée toujours, j'ai hâte de sortir de cette vallée, puis ça devient des terrains avalancheux, puis du pierrier. Je me prend une averse dans la montée, l'occasion de tester ma mini-cape de pluie maison en complément de ma veste de pluie. Il y a du vent qui vient d'en bas, la cape me vole dans la face, complètement inutile. Il faudra que je trouve un moyen de l'accrocher à l'arrière du sac au moins.

Au col, quelle belle vallée de ce côté ci, et quelle falaise impressionnante du Mont Abruzzi ! J'adore avoir la surprise qu'offre les cols, de découvrir d'un coup un tout nouveau paysage, je me demande toujours qu'est-ce que je vais trouver de l'autre côté quand j'en monte un. Je mange dans un renfoncement de la falaise, à l'abri su vent, devant l'imposant Mont Abruzzi. J'explore un peu la crête nord pour avoir une autre vue et me retrouve au dessus d'un ravin, avec des sommets en face et tout autour. Impossible de prendre des photos de l'endroit, c'est tout sauf quelque chose de plat, c'est le fait d'être au milieu de tout ça, avec des vues en haut, en bas, et à 360° tout en même temps qui rend l'endroit splendide.

Comme toujours, le sentier au fond de vallée n'est pas facile à suivre au début, je le suis une centaine de mètres, le perd, marche dans des sentiers d'orignaux jusqu'à retomber dessus, et ainsi de suite. J'ai toute cette vallée à descendre puis une autre à remonter (façon de parler car les vallées sont assez plates et larges une fois le col redescendu). Je fais beaucoup trop de vallée à mon goût et je n'ai pas envie de dormir au fond d'une autre. Je bifurque sur un sentier qui mène à un lac un peu plus haut, en contrebas du Mont Abruzzi. Je décide de passer la nuit là, même si j'y arrive un peu tôt dans la journée. Ça me permet de prendre le temps d'écrire mon récit.

Toute ces forêts impénétrables et ses rivières à traverser à gué, ça me rappelle un compte pour enfant que j'aimais bien (je ne me rappelle plus du titre), où un petit indien, pour obtenir ses 3 plumes d'aigles de couleur, devait traverser un désert aride, une forêt dense et une rivière tumultueuse, à chaque fois en prenant son temps et en écoutant la chanson. Effectivement, le fait de me poser quelque temps pour manger un bout et réfléchir à comment retrouver le sentier (ou décider de faire demi-tour) m'a plutôt bien réussi jusqu'à présent. Pour les rivières heureusement en cette saison et après un été aride, elles ne présentent aucune difficultés à passer.

Je passe la matinée suivante encore dans des vallées, j'en descend une, j'en remonte une autre. À la jonction des 2, le paysage y est très beau : les buissons de saule qui peuplent les marécages commencent à prendre des couleurs. Ça fait un beau mélange de vert, jaune et orange.

Puis je me renfonce dans le bois et le sentier devient moins évident. Je passe Coral Pass, où les éboulis contiennent une quantité impressionnante de coraux fossilisés, il y en a de partout. De l'autre coté du col, je me retrouve dans la France du 20 ème siècle : j'ai en face de moi les monts De Gaule, Joffre, Pétain et Foch !

Pour redescendre, ce n'est pas évident. Là il n'y a réellement pas de sentier, donc je me fraye un chemin dans la végétation, mais en plus il y a des barres rocheuses de partout, venant d'en haut je ne les vois qu'au dernier moment et j'ai du mal à voir où il faut passer. Après pas mal de desecalades, j'arrive enfin en bas dans la soirée, épuisé, ça aura été la partie la plus dure et la moins drôle de ma randonnée.

Le lendemain, l'objectif est de faire un aller-retour à Pétain Bassin, un cirque glacière au bout de la vallée qui vaut a priori le détour. J'aurai aimé laisser la plupart de mon stock en bas, mais comme je n'avais rien trouvé de suffisamment fiable la veille pour sécurisé ma bouffe, je prends tout. Il ne me reste que 2 jours de bouffe de toute façon, ce n'est plus très lourd.

Pétain Fall, en bas du cirque, et Pétain Bassin sont effectivement très beau. J'explore un peu le coin mais ça vaudrait le coup d'y passer plus de temps. Je redescend avant que les averses arrivent, du grésil commence à tomber. Le nord de Elk Lake Provincial Park où se trouve cette vallée est plus accessible, et donc plus développé, les sentiers sont mieux entretenus.

Je profite d'une éclaircie pour manger dans un pierrier. Un tamia me tient compagnie durant tout ma pause en essayant de me voler de ma bouffe, mais il n'aura pas une miette ! Je m'amuse à le regarder essayer de s'approcher entre les pierres.

L'après-midi se fait sous des averses intermittentes, et je suis une piste forestière, ce qui n'est pas plus mal, ça me change un peu et permet d'aller plus vite pour me réchauffer. J'arrive aux Kananaskis Lakes, de là où je suis parti il y a une semaine. Il me reste un jour de bouffe. Je décide de dormir là dans un camping et d'aller faire une crête le lendemain, très proche de là où je suis et qui me ramènera sur la route principale, juste plus au sud.

Décidément le Canada n'aura pas fini de m'étonner : le camping est en plein dans une forêt et couvre plusieurs dizaine de kilomètres carré. Depuis l'accueil, il faut marcher plusieurs kilomètres jusqu'aux emplacements (le propriétaire me donne un lift jusqu'à mon emplacement quand il apprend avec son plus grand étonnement que je ne me sers que de mes pieds pour me déplacer), tous les emplacements sont donc reliés par une route uniquement. Et il y a seulement un seul bloc sanitaire pour tout le camping, qui ressemble à une aire d'autoroute avec un stationnement devant. Ça doit se passer à peu près comme ça les vacances dans ce camping : "allez en voiture, on va prendre la douche !", "Je prend la voiture, je vais chercher de l'eau pour faire cuire les pâtes !", "Une envie présente ? Envoye, embarque !" Bref c'est désespérant...

Le lendemain comme prévu, je rejoins Pocaterra Ridge par des sentiers de ski de fond et un petit bout de route. La crête n'est pas vraiment sauvage puisque elle court parallèlement à la vallée où passe la route. Mais elle offre de magnifiques vues tout autour, et encore une fois sur la chaine de montagne de partage des eaux. Les averses de la veille ont encore apportées un peu de neige sur les sommets. Les mélèzes commencent à prendre leurs couleurs d'automne. Le sentier est très bien dégagé et je rencontre beaucoup de monde, dû à la facilité d'accès depuis la route.

Je termine là ma rando. Je n'ai pas vu beaucoup d'animaux, juste un jeune orignal et une harde de bighorn sheeps (des sortes de bouquetins) en plein sur la route lors du trajet de retour. Pas de chèvres de montagne avec leur toison blanche et laineuse, il parait qu'elle sont rares à voir. Pas de wapiti non plus. Dommage. Même les marmottes sont très discrètes ici.

J'ai trouvé les Rocheuses (du moins cette partie des Rocheuses) somme toute assez différentes des Alpes française du sud : beaucoup plus de falaises, beaucoup de forêts, des grandes vallées plates et assez peu d'alpages. Ça passe de suite de la forêt aux éboulis quasiment. C'est dommage car les alpages ici sont très beaux. 8 jours passer ici, j'ai le sentiments de partir trop vite, j'aurai aimer passer plus de temps.

Un randonneur me ramène à Canmore. D'ailleurs ce gars là est vraiment "trop" sympa : non seulement il fait un détour pour m'amener à Canmore (il s'en allait dans la direction opposée), on va boire une bière de fin de rando (il est barman donc connait bien les bières locales), je n'arrive pas à lui payer sa bière en échange du lift, mais en plus il me paye la mienne "pour avoir passer 8 jour dans le bush", et enfin on repart et il me dépose juste devant mon auberge avant de repartir chez lui !