Bowron Lake

Bowron Lake est à une trentaine de kilomètres de là, accessible par une route de terre qui ne va guère plus loin ensuite. Donc probablement très peu de trafic, trop peu pour avoir une chance d’être pris en pouce en tout cas, même si Bowron Lake est assez touristique. Et il faudra que je fasse la route en aller-retour. Je songe un moment à louer une voiture pour me rendre jusque là, mais c'est clairement pas rentable vu qu'elle va rester parquée toute une semaine là-bas. Un vélo serait déjà mieux, mais il n'y a aucune boutique de location dans dans le coin. Et en acheter un n'est pas terrible non plus, je n'arriverai probablement pas à le revendre ensuite. Tant pis, je ne vois pas de meilleure solution que d'y aller a pied, et si je trouve quelqu'un pour me prendre sur la route, tant mieux. Je pars la veille de mon heure de départ du circuit, dans l'idée de faire 15 km aujourd'hui et les 15 autres le lendemain, ça passera mieux comme ça. Mais finalement j'ai réfléchi à tout ça pour rien car il se trouve qu'il y a finalement relativement pas mal de voitures et je serai même pris assez facilement ! C'est vraiment difficile des fois d'estimer le trafic qu'il peut y avoir sur les routes.

Le lendemain je me rends au centre de location prendre mon canot, puis la fille de la boutique m’amène, mon canot et moi, à l'accueil du parc. Deux Québécois sont partis hier et lui ont parlé des rivières d'eau vive qu'il y a au Québec. J'en rajoute une couche, elle semble maintenant convaincue qu'elle doit aller au Québec pour faire du canot d'eau vive ! Il n'y a pas vraiment de rivières d'eau vive canotable ici d'après elle. Rendu à l'accueil, je dois remplir un formulaire, signer des papiers, regarder une vidéo explicative sur le parc et sur ce qu'il ne faut pas faire, bref tout est très encadré car le circuit est très populaire. Deux suisses allemands partent en même temps que moi.

Le premier jour, c'est beaucoup de longs portages, de plusieurs kilomètres, mais les sentiers sont larges et nivelés, ce qui facilite bien les choses. En fait ils sont fait pour passer avec des chariots. Tout le monde portage avec des chariots. Je verrai seulement un seul couple porter leur canot sur leur dos à part moi. J'ai un solo de 14', il doit être facilement 2 fois plus léger que celui que j'avais à Turner Lake, c'est tellement plus facile ! Je peux même tout prendre en un seul trajet, mon sac et le canot, ce qui fait que je gagne un temps fou sur les longs portages, quand je vois le monde faire des aller-retours pour transporter tout leur stock. Le premier jour, c'est aussi le jour où je vois le plus d'animaux : un aigle pêcheur, une famille de loutres en train de jouer dans l'eau (je vois juste leur tête), et le soir au jumelles, une orignal avec son petit qui marche derrière, trop bien ! Je décide pour les prochains jours de commencer à pagayer dès l'aube, de faire une longue pause en milieu de journée, et de recommencer à pagayer vers la fin d'après midi. Comme ça j'ai plus de chance de voir des animaux, il fait moins chaud et je peux pagayer à l'ombre des côtes, et le vent est généralement absent et l'eau est toute calme sur les lacs. J'arrive à me tenir à cet objectif le matin, je pars sur les coup de 6 h et prend mon déjeuner sur le bateau. J'adore, l'eau est toute plate, pas une seule ride, je peux juste glisser lentement sans aucun bruit et explorer les criques des lacs et les marais. Par contre pour la pause en milieu de journée, c'est trop long : après m'être baigné, avoir mangé, fait une sieste, m'être rebaigné, sculpté des pagaies dans des bouts de bois (c'est la coutume sur le parcours, il y a en a plein accrochées aux sites de camping), ben je m'ennuie bien. Donc je ne peux m’empêcher de reprendre mon canot et continuer, généralement en milieu d'après midi, puis comme le soir j'ai assez pagayé et suis fatigué, je ne repars pas pour profiter du crépuscule et me couche.

Les jours s'enchaînent et les paysages sont très différents à chaque fois. Et toujours très beau. Je craignais qu'une semaine de canot, d'autant plus sur des lacs, finissent par être monotone, mais non. Je traverse un très long lac d'une quarantaine de kilomètres, qui me prendra plus d'un jour pour atteindre la fin. J'ai une vue magnifique sur les montagnes et les glaciers de chaque côté. je descend sa rivière de décharge, C'est la partie du parcours que j'apprécie le plus : il y a un petit rapide, il n'est pas classé mais ça doit être l'équivalent d'un R-I ou R-II, c'est un gros train de vague sans obstacles. Je m’amuse un moment dedans avec mon canot, je fais l'attraction d'une famille d'Américains de Pennsylvanie qui me regarde depuis la rive. Le père fait un peu de canot d'eau vive également. Le reste de la rivière est calme avec quelques sections d'eau vive et chutes a portager. D'un coup j'ai envie de refaire des vraies rivières d'eau vive, ça m'a mis l'eau à la bouche !

La rivière se jette ensuite dans la Cariboo River, une rivière de glacier qui charrie plein de sable, de débris et de troncs et est très méandreuse, rendant la navigation moins facile. Après une série de lacs (dont un avec une magnifique plage de sable où je prendrais ma pause de la journée) elle forme les très impressionnantes Cariboo Falls, qu'on peut aller voir à pied. Le reste du parcours est composé de lacs plus marécageux. Je vois un autre orignal aux jumelles, 2 castors et plusieurs rapaces et espèces de canards.

L'avant dernier jour, je prend ma pause de la journée dans une belle crique tranquille et sablonneuse, et repars en milieu d'après-midi comme à mon habitude. Aussitôt sorti de la crique, je suis pris dans un fort vent de fasse avec un fort courant et de la houle. Je traverse en bac jusqu'à la rive opposée en pensant y être plus abrité mais c'est pire ici, je n'arrive même pas à avancer. Je retraverse donc à nouveau et suis la côte. Je pagaie à plein régime une dizaine de kilomètres jusqu'au prochain camp site, où j'y arrive plusieurs heures plus tard. Dans la soirée le vent faibli et l'eau se calme. Je m'en veux vraiment pour ne pas avoir fait demi-tour avant et attendre la fin d’après-midi, d'autant plus que c'est ce que je m'étais fixé à la base...

Le dernier jour se fait sous une petite pluie fine et dans les nuages bas. J'aime bien pagayer par ce temps, ça rend les lacs et marais plus mystérieux. Je passe dans un labyrinthe de cours d'eau qui serpentent à travers une vaste zone humide, il y a même des panneaux pour indiquer les directions à certaines intersections, il ne manque plus que des feux de circulation, car il n'y a pas beaucoup de visibilité pour voir les autres canots arriver !

Au final j'avais prévu de faire les 120 km en 7 jours, je les aurai fait en 6. J'ai vraiment apprécier de canoter durant une petite semaine, je ne regrette pas du tout d'être venu là. Ça change vraiment de la randonnée à pied, les problématiques ne sont pas les mêmes, ça en simplifie d'autres : pas de difficulté pour trouver de l'eau puisque je suis dessus en permanence, je peux même la filtrer tout en pagayant, pas besoin de repaqueter tout mon stock, je laisse tout à portée de main dans le canot, je ne bataille pas dans la végétation et au milieu des mouches, seuls quelques taons prennent mon canot pour un taxi gratuit, ça permet aussi un peu de repos à mes pieds que je peu laisser prendre l'air. Les paysages étaient très variés et sauvages, et même si je voyais pas mal de canots et kayaks passer, ce n'était clairement pas non plus la foule, ni aux portages ni aux sites de camping.

J'en profite pour faire un point sur mon voyage ici. Ça fait maintenant un peu plus d'un mois que je suis parti. Pour le moment je ne regrette rien, je ne savais pas trop si je finirai par me lasser des rando, de dormir sous ma tente, si un vrai lit et une cuisine dans laquelle je peux me cuisiner des bons plats me manquerait, mais pas du tout, je pense que j'ai pris l'habitude de ce rythme de vie. Après ma rando sur le Sunshine Coast Trail j'étais clairement affamé, je passais ma journée à manger, j'ai avalé en quelques jours un demi kilo de beurre d'arachide, des assiettes énormes, je me faisais des repas complets le matin avec des grosses omelettes, etc... À la suite des rando suivantes j'ai toujours beaucoup d'appétit mais je mange un peu plus normalement, mon corps à du s'habituer. Quant à la suite, je suis toujours excité à l’idée d'arriver dans une nouvelle ville ou de commencer une nouvelle rando, c'est à chaque fois un lot de nouvelle choses à découvrir. Par contre tout est vraiment serré en terme de planning, je ne veux pas perdre un seul jour car l'été est court et j'ai déjà plein de places ou je sais que je n'aurai pas le temps d'aller. Bouger d'une place à une autre me prend en fait beaucoup plus de temps que ce que j'aurais cru, je reste souvent une nuit dans une ville intermédiaire en attendant le prochain bus ou un covoiturage. Ça ne laisse malheureusement pas de place à l'improvisation et aux opportunités, et je regrette un peu. D'un autre coté je sais que j'adore tout planifier précisément et ça me rassure d'un certain côté. En même temps je n'ai pas vraiment rencontré d'autres voyageurs un peu dans le même esprit que moi, c'était jusqu'à présent des couples ou familles qui faisaient leur vacances à eux. On m'a proposé d'aller à Haida Gwaii, une grande île sur la côte nord-ouest, idéale pour faire du kayak de mer et du vélo le long des côtes, avec une culture locale très distincte du continent, mais à ce moment là j'avais déjà réservé mon circuit de canot à Bowron Lake. Je suis aussi à chaque fois dans des endroits peu touristiques, en allant à Jasper, Banff, Lake Louise... Bref là où tout le monde se rend quand il visite le Canada, je suis sur de trouver d'autres personnes en voyage comme moi.