Édit : ajout de la seconde partie.
Haute Route vers la Plage
29 jours (dont 3 de pause forcées en cours de route) − 678 km − 44 135 m de D+ − sac à 3,65 kg
Cet été, vu les températures caniculaires de juillet, c'est vacances à la plage ! Mais comme on dit souvent, l'important n'est pas la destination mais le chemin, je me suis préparé un itinéraire digne de ce nom en partant de Bidarray, Pays Basque et traversant les différents massifs pyrénéens avant d'atteindre Banyuls.
J'adore concocter mon propre itinéraire, donc suivre simplement l'itinéraire officiel de la HRP n'était pas pour moi. Avec le confinement, j'ai eu pas mal de temps pour ~~rêver~~ préparer cette rando. C'est donc une HRP avec beaucoup de variantes, soit glanées sur le forum ou ailleurs, soit de mon intuition, que j'ai faite.
Il y a également plusieurs éléments auxquels j'ai du tenir compte :
- ma rando doit tenir sur 30 jours, avec si possible quelques jours de marge en cas d'imprévu
- éviter la partie Ariégeoise, habitant à Toulouse, la majeure partie de mes rando partent de la gare de l'Hospitalet. Avec cette HRP je veux en profiter pour passer plus au sud
- je ne souhaite pas planquer mes ravitaillements sur mon chemin, ce qui veut dire redescendre régulièrement à un bureau de poste ou épicerie.
- mon père doit me rejoindre à un moment donné pour quelques jours à marcher ensemble sur la fin, donc étapes plus courtes.
Une première version de mon itinéraire, plus ambitieux, devait partir de Hendaye en passant par les crêtes d'Iparla, mais pile 2 mois avant le départ je me fais une entorse à la cheville (soit le deuxième jour du déconfinement !!). Donc avec très peu d’entraînement préalable avec une cheville encore incertaine, j'ai du revoir mes objectifs à la baisse, et notamment choisir entre les crêtes d'Iparla et un départ d'Hendaye. C'est les crêtes qui l'ont emporté !
Préparation/carto
Je me suis servi de uMap pour la visualisation et l'étude des cartes car j'y suis habitué, mais n'est pas du tout fait pour la préparation d'itinéraires. C'est très bien par contre pour importer plein de données et ajouter plein d'annotation sur les cartes, c'était un peu mon brouillon de travail. Mon parcours a été tracé avec OpenRouteService, tracés que j'ai ensuite importés dans uMap.
La carte uMap est là, j'y ai importé le tracé officiel de la HRP et ses variantes, les GR 10, 11, 12, plusieurs tracés de HRP de différentes personnes, les refuges (refuges.info et pyrenees-refuge.com), les épiceries, postes et bergeries : https://umap.openstreetmap.fr/en/map/hrp-2020_443643.
Je me suis aussi servi de QMapShack (anciennement QLandKarte) pour diverses retouchent sur les GPX et me générer mon plan de route. Mais je n'aime pas du tout l'ergonomie de ce logiciel.
En chemin, je navigue avec des cartes papiers imprimées qui couvrent juste mon parcours. Je peux les regarder autant de fois que je veux, les garder en main dans les endroits où l'orientation est compliquée, ça me va très bien. J'ai en plus des cartes qui couvrent une plus grande zone sur mon téléphone. Ça me permet déjà d'avoir un backup de mes cartes papiers, d'avoir des informations complémentaires (IGN/OSM) et surtout de pouvoir faire des variantes/détours pas prévus à la base (mauvais temps, etc) et donc hors de mes cartes papiers. Par contre pour limiter la conso de batterie, je ne m'en sert qu'en cas de réel besoin.
Je me suis servi de Mobac pour récupérer les fonds de carte 4UMaps (données OSM) et IGN pour les avoir hors-ligne dans Osmand sur mon téléphone.
Pour les cartes papier, je me suis servi de hikingmap pour générer un PDF des cartes à imprimer autour du tracé GPX. Ça aurait été très chiant à faire manuellement via jgn !
Bref ça fait beaucoup d'outils différents, c'est pas idéal, j'aimerai bien avoir du temps pour développer quelque chose qui simplifie un peu tout ça, j'ai pas mal d'idées dans un coin mais pas trop de temps :).
Le tracé GPX de mon parcours (initialement prévu, mais assez fidèle à ce que j'ai parcouru, sauf pour les étapes sur la fin) est téléchargeable ici.
Liste
C'est une liste à laquelle je suis habitué, peu de changements par rapport à mes rando précédentes. Je ferai un retour sur le matériel après le récit.
Marque/caractéristiques | Poids porté (g) | Poids sur moi (g) | |
---|---|---|---|
Portage | 435 | 0 | |
sac à dos | DIY 25 L | 363 | |
pochette de ceinture | DIY | 43 | |
Sac étanche | polyethylene | 29 | |
Abri | 434 | 0 | |
abri | DIY Skytex 39 g/m² | 303 | |
Tapis de sol | Polycree | 68 | |
Sardines × 8 | 63 | ||
Couchage | 1366 | 0 | |
pied d'éléphant | Cumulus 300 g duvet | 519 | |
matelas jambes | mousse Arkmat 5mm | 53 | |
matelas torse | mousse Ridge Rest 10mm | 122 | |
bonnet | polaire fin Decathlon | 23 | |
doudoune | Cumulus 120 g duvet | 360 | |
chaussettes | Mérino Smartwool | 58 | |
gants fins | Mérino Arc’Teryx | 37 | |
tour de cou | 34 | ||
jupe/gillet/quilt thermique | DIY Apex 133 g/m² | 160 | |
Vêtements de jour | 362 | 1381 | |
pantalon | Columbia synthétique fin | 270 | |
chandail ML | Decathlon manches longues laine mérino | 257 | |
Boxer × 2 | 55 | 55 | |
chaussettes | de trail X-Socks | 70 | |
chapeau | Tilley | 92 | |
veste de pluie | MEC, membrane Pertex 2,5 couches | 164 | |
Mini cape de pluie | DIY | 40 | |
moufles de pluie | DIY | 33 | |
coupe-vent | DIY | 70 | |
chaussures | Saucony Peregrine 10 | 637 | |
Cuisine | 291 | 0 | |
bol | titane Snow Peak | 54 | |
couvercle | alu | 29 | |
cozy pot | DIY | 14 | |
cuillère | bois, recoupée | 3 | |
réchaud alcool | DIY Jacoosy | 15 | |
paravent/support | titane DIY | 23 | |
filtre à eau | Sawyer mini | 52 | |
poche à eau | Platipus 1,8L, sans le bouchon | 46 | |
bouteille d'eau | Jetable, 1 L | 23 | |
flacons pour huile/sel/épices | flacons Nalgène | 25 | |
contenant alcool | type compote pour bébé + 25g alcool/j | 7 | |
Sacs pour bouffe | 24 | ||
Hygiène/soins | 150 | 0 | |
bandage de contention | 4 | ||
Pansements × 4 | 4 | ||
tire-tiques | 1 | ||
pince à épiler | 1 | ||
savon | Morceau savon de Marseille | 13 | |
serviette microfibres | de ménage | 26 | |
brosse à dents | 7 | ||
PQ | ravitaillé dans les refuges/camping/toilettes publiques | 5 | |
huiles essentielles (tea tree + lavande, eucalyptus + gaultérie) | 60 | ||
beurre karité | 24 | ||
bouchons d’oreille | 5 | ||
ciseaux | 22 | ||
rasoir | 10 | ||
Outils/divers | 611 | 370 | |
briquet × 2 | 33 | ||
lampe | frontale Zebra Light, sans l'élastique | 62 | |
couteau | Opinel n°6 | 29 | |
boussole | 24 | ||
sifflet | 7 | ||
lunette vue/soleil + housse soie | 29 | ||
cartes papier + ziplock | En tout 63 cartes 1:25000 imprimées en 4 par feuilles (2 par page impression et recto-verso) → 16 feuilles, moitié des cartes envoyées à mi-parcours → 8 feuilles maxi sur moi → 40 g | 40 | |
montre altimètre | Suunto Advisor | 51 | |
kit de couture/réparation | aiguilles, fils, tape, tissu, épingles | 23 | |
appareil photo + pochette | Sony DSC WX80 | 136 | |
Téléphone + ziplock | Samsung Galaxy S2 | 116 | |
batterie téléphone supplémentaire | 35 | ||
chargeur + câble USB | 40 | ||
ID, carte bancaire, cash, carte CAF, carte vitale | 10 | ||
crayon | Bic | 5 | |
bâtons de marche | bambou DIY | 341 | |
Total | 3649 | 1381 |
Ravitaillements
Les ravitaillements initialement prévus étaient dans les villages suivants :
- Jour 6 : Urdos (colis poste restante)
- Jour 14 : Bénasque (colis poste restante)
- Jour 17 : Isil (complément si besoin)
- Jour 20 : Andorre-la-Vieille (épicerie)
- Jour 22 : Puigcerdá (complément si besoin)
- Jour 27 : Arles-sur-Tech (épicerie)
- Jour 29 : Le Perthus (complément si besoin)
Pour Urdos attention, l'agence postale qui se trouve dans l'épicerie du village ne prends officiellement pas les colis en poste restante. La dame très sympathique me l'a gardé, on peut s'y faire livrer des colis mais il faut les prévenir avant.
Le SPAR de Arles-sur-Tech est très bien fourni en plein de semoule, flocons et autre truc bien adapté à la rando. Et un gros étalage de fruits et légume pour le midi !
J0 / 10 juillet 2020 : départ de Bidarray
C'est le grand jour, après une semaine de gros stress pour tout boucler au niveau pro et perso, j'ai mon mois de libre ! Passage à la poste pour envoyer mes 2 colis de ravitaillement, puis je saute dans le train direction Bayonne puis Bidarray, où j'arrive sur les coups de 18h. J'ai encore du mal à réaliser que je suis parti pour un mois de marche. J'ai juste l'impression d'être parti pour un week-end de rando.
L'idée est de monter de suite sur la crête d'Iparla et bivouaquer là-haut. Je croise quelques GR10-istes en passant devant l'épicerie du village, un traileur qui redescend des crêtes et me souhaite bonne chance pour cette HRP et me confirme que je trouverai quelques replats pour poser ma tente (mais pas d'eau).
Il fait venteux et très humide, mais j'ai une vue dégagée pour la soirée, super !
J1 / 11 juillet 2020 : crête d'Iparla, Saint-Étienne-de-Baïgorry, Urdiako Harria
En levant le camp, je secoue mon tapis de sol en Polycree comme d'habitude ; voila-t-il pas qu'un morceau me reste dans les mains !! Je venais de le remplacer, anciennement une feuille de Polycree de chez Arklight qui m'avait durée bien plusieurs années mais étaient rendue trop percée de partout, j'avais racheter une feuille de Polycree 3M d'isolation de fenêtre avant de partir. Eh ben la qualité n'est pas la même ! Le moindre trou se transforme rapidement en grosse déchirure. Sa surface utile s'est nettement réduite au fil de ma traversée, au point qu'à la fin il ne m'en restait qu'un petit bout. Bref, c'est parti à la poubelle dès mon retour…
Je suis la crête en suivant le GR10, c'est très beau tout ces tons de verts, très dépaysant. Il y a des vautours par centaines qui volent à quelques dizaines de mètres de moi. Je n'ai jamais vu une concentration telle de vautours.
Je regrette vraiment de ne pas être parti de l'océan, mais au moins je l'aperçois un peu au loin, ainsi que la Rhune.
Il y a une source sur la crête (le seul point d'eau ?) au niveau du col de Harrietako, qui coulait à petit débit (elle n'est pas directement sur le sentier mais est bien indiquée par un panneau). J'y fais le plein, puis poursuis avant de redescendre sur Saint-Étienne-de-Baïgorry, maintenant que le soleil s'est pointé, il fait très chaud. Je quitte le GR10 au niveau du col de Leizartzeko pour continuer sur les crêtes, ultimement jusqu'au Lindus et retrouver la HRP (mais ça c'est le programme de demain).
Les crêtes d'Iparla, au loin :
Je bivouaque à Urdiako Harria.
J2 / 12 juillet 2020 : crête de Urdiako Harria au Lindus, et jusqu'au pied de Urkulu
Alors que je commence à monter en direction du premier sommet de la crête, j'entends les premiers grondements d'un orage assez loin. Mais rapidement la pluie arrive et l'orage se rapproche. J'enfile veste et cape de pluie, j'ai la flemme pour la jupe de pluie, je ne sais plus où je l'ai mise… et de toute façon il ne pleut pas beaucoup (pour l'instant…). Au col d'Ehunzaroy, l'orage est trop près pour poursuivre sur les crêtes, je me réfugie dans la forêt et attend que ça passe. Je dois noter aussi que, par flemme…… (il ne pleuvait pas beaucoup… au début :)), j'ai aussi laissé mon téléphone hors de son ziplock dans la poche de mon sac pas vraiment étanche ; il est bien mouillé et est éteint, ça part mal… Bon je le mets au sec et verrai ça plus tard. L'orage s'éloigne un peu et je poursuis sous des averses passagères et en traversant des nuages qui passent par dessus les crêtes à toute allure. Je ne vois à peu près rien du paysage mais le moral est au top, je suis heureux de juste marcher. Je finis par tomber sur un itinéraire balisé de la Traversée du Pays Basque à VTT et arrive au col de Lindusko, au pied du Lindus, pour retrouver le tracé normal de la HRP. La chaleur du soleil perse un peu le couvert nuageux, j'en profite pour faire une pause dans une palombière et sécher un peu le pantalon. Je suis très content de ma mini-cape de pluie qui, malgré le vent, est resté bien en place et a paré au défaut d'imperméabilité de ma veste de pluie. Mon téléphone lui est effectivement mort, je lui enlève la batterie et le met dans mon sachet de semoule, on verra bien.
Après le Lindus, le parcours à moins d'intérêt : route, puis piste bien large du chemin de Compostelle. La cabane Izandorre est une belle déchèterie, il y a même sur la table un quignon de pain et une barquette de jambon à moitié entamée. Il y a vraiment des gens si pressé que ça sur le Chemin de Compostelle pour ne pas finir leur lunch ? Mais de là, je peux apercevoir les premiers sommets pyrénéens (déjà, mais j'ai hâte !).
J'ai l'impression de faire des étapes vraiment courtes et de ne pas avancer beaucoup. Le soleil est encore haut quand je termine ma journée, je suis toujours en pleine forme, mais je me suis imposer de faire des petites journées au début, le temps que mon corps s'adapte au rythme : je n'ai pas eu l'occasion de randonner beaucoup avant, je ne sais pas si ma cheville est totalement remise et je préfère de loin randonner un mois et ne pas arriver à temps à Banyuls que randonner 2 semaines à fond et devoir passer mes 2 autres semaines de congé chez moi à cause d'une blessure. Mais c'est dur de résister à la tentation de poursuivre un peu :).
Bivouac sur un petit collet au sud de Urkulu, au milieu des chevaux.
J3 / 13 juillet 2020 : Urkulu, forêt d'Iraty, jusqu'au pied de l'Orhy
À partir du col d'Azpégi, je dévie de la HRP pour suivre le GR12. Ça n'empêche que j'y croise quand même 2 HRP-istes au Mendizar. D'abord Alban, qui s'intéresse de près à la MUL, puis Fred, un Allemand, nous rejoint. Je quitte Alban un peu plus loin après avoir beaucoup parlé, qui doit abandonner à cause d'un problème de chaussure. Dommage, on s'entendait bien. Et je n'ai pas revu Fred de toute la HRP, qui avait de toute manière prévu des étapes un peu plus courtes que les miennes.
À partir d'Ergugi, et après un bain dans la rivière, je quitte temporairement le GR12 pour traverser la forêt d'Iraty, une très belle et grande hêtraie-sapinière, peuplée de vestiges datant de son exploitation industrielle (notamment pour les rames et mats des galères).
La première partie est très belle, mais ensuite je me retrouve à suivre une route forestière sans grand intérêt jusqu'au pied de l'Orhy. Aucun des ruisseaux indiqués ne coulent alors que je remonte cette piste, mais il y a une source avec un bon débit au dessus de la piste juste avant d'arriver à la bergerie d'Ibarrondoa, où je retrouve le GR12. Je bivouaquerai un peu après.
J4 / 14 juillet 2020 : De sous l'Orhy au refuge de Belagua
Le vent du nord-ouest qui s'est levé la veille n'a pas cessé, il a plutôt redoublé de vigueur. Sur les crêtes à partir du col de Larrau, je marche de biais pour luter contre le vent, c'est pénible. Je ne trouve pas non plus d'eau de la journée, les premières sources que je croise sont finalement un peu avant d'arriver au refuge de Belagua, où je bois plusieurs litres d'un coup.
La journée a été un peu expédiée, je l'ai faite d'une traite à cause du vent et du manque d'eau, du coup j'arrive tôt au refuge (qui est en travaux). Je descends un peu en contrebas me trouver un endroit plus tranquille et (un peu) abrité du vent. J'ai toujours cette envie incessante de découvrir les paysages que je traverserai demain, et qui ne me quittera pas de toute la traversée, c'est mon principal moteur. Mais en attendant, c'est sieste au soleil pour le restant de l'après-midi :).
J5 / 15 juillet 2020 : Refuge de Belagua, Table des Trois Rois, Ibón de Acherito
Le vent s'est calmé mais il fait bien gris et le plafond nuageux est bas. Je démarre d'abord sur un sentier tout mignon sous un couvert végétal qui fait plein de détour, contournant les obstacles du relief chaotique. Ça me rappelle beaucoup le Vercors. Au fur à mesure que je monte, une bruine persistante s'installe et la visibilité n'est pas terrible.
Rendu au col d'Anaye, fini le repos à suivre le balisage du GR12. Je met en marche mon GPS interne pour me diriger vers la Table des Trois Rois. Je suis en pleine purée de pois, dans un relief complètement chaotique fait de crevasses, de combes et d'arêtes, où ma carte ne représente à peu près rien de tout ça. J'avoue que pendant un court instant je me suis demandé si c'était bien raisonnable de partir là dedans, d'autant plus que je ne verrai probablement rien de ce qui devait m'attendre au sommet. Il y a quelques cairns, mais je n'arrive pas à suivre leur logique ; je les perd, les retrouve, partent dans des directions qui ne sont pas la mienne… Je saute de rocher en rocher, enjambant les crevasses, je m'amuse bien quand même !
Je finis par atteindre finalement sans trop d'encombres la Table des Trois Rois. Évidemment je ne vois rien, mais je sens que le soleil n'est pas si loin que ça. La bruine a cessé d'ailleurs. Je mange là et attend un peu, avec un fort espoir que ça finisse par se dégager, ou du moins qu'une trouée apparaissent, aussi éphémère soit elle, dans ce couvert nuageux. Malheureusement elle ne viendra pas. Déçu de n'avoir rien vu, je redescend vers le port d'Ansabère. J'y croise toute une troupe de soldat espagnol qui montent. Certains chargés comme des bœufs, d'autres les mains dans les poches. Ça parle beaucoup, fait des pauses tous les 2 mètres, ils ne semblent pas être à l’entraînement !
Ça se dégage un peu par moment
Je ne sais pas si il y a un sentier qui descend aux cabanes de Pédain, en tout cas je ne l'ai pas vu. Ça descend très raide dans un éboulis instable, je n'aurais pas aimé monté par là ! Je tombe miraculeusement plus ou moins sur les cabanes, puis le chemin qui permet de rejoindre les cabanes d'Ansabère. Évidemment là aussi, je peux faire une croix sur la vue sur les aiguilles d'Ansabère. Quelques randonneurs sont là devant la cabane à discuter mais je ne m'arrête pas, avec le vent froid, la bruine et le brouillard je préfère avancer pour ne pas me refroidir.
Après avoir passé le col et alors que je redescend sur le lac de Acherito, miracle ça se dégage !
J'avais prévu à la base de bivouaquer près du lac mais il est en plein vent donc je poursuis un peu. Pas grave, je n'ai pas de vue sur le lac mais je monte mon abri au beau milieu d'un champ d'iris, sous l'œil des isards qui regardent mon abri avec curiosité, depuis l'éboulis plus haut. Journée assez peu agréable et frustré de n'avoir rien vu des panoramas qui m'attendaient, mais ça se termine bien.
J6 / 16 juillet 2020 : Ibón de Acherito, Lac d'Arlet, Urdos
Grand ciel bleu ce matin et aucun vent, une journée qui s'annonce bien ! D'autant plus que ce soir je ravitaille à Urdos, mon sac se fait clairement oublier tellement il est léger.
Je reviens un peu sur mes pas de la veille pour monter au pic de Laraille depuis Acherito. Montée raide mais efficace, de bon matin ça va vite. Marche en devers jusqu'au col de Pau, puis à partir de là ça va vite et c'est magnifique : un sentier très bien tracé en balcon au dessus de la vallée d'Aspe jusqu'au lac d'Arlet. La matinée est magnifique, je me régale. Je croise par contre énormément de monde, qui ont pour la plupart dormi au refuge d'Arlet.
Belle mer de nuage en vallée d'Aspe
Je monte au col d'Arlet pour avoir une vue sur Agua Tuerta (finalement moins beau que ce que j'imaginais et avais pu voir en photo).
Par contre j'ai une vue sublime sur le pic d'Ossau !
La redescente jusqu'à Urdos le long de la gave du Baralet est un peu longue sur la fin (portions de route), mais j'arrive direct dans le camping par des sentiers locaux.
Le gérant est un espagnol très sympathique. Je récupère mon colis de bouffe, arrivé juste la veille à l'épicerie/agence postale. Habituellement dans mes rando, le passage dans une épicerie est synonyme de festin, mais je n'ai pas si faim que ça, en fait pour la première fois je pense et tout au long de ma HRP, je me suis retrouvé avec trop de bouffe, j'avais prévu des rations vraiment grosses et me suis toujours retrouvé avec de la bouffe en trop.
Bon, je ne me prive quand même pas d'un melon (OGM mais mûr et bon), de fromage (local mais pas terrible) et de pain/sardine à l'huile d'olive/tomates fraiches (ma spécialité, je ne m'en lasse jamais !)
Ah oui, et mon téléphone aussi : à première vue : bonne nouvelle, il charge, les 2 batteries étaient complètement vides. Mauvaise nouvelle : il ne détecte plus ma carte SIM et ne tient pas la charge, quelques heures en veille et la batterie est totalement vidée. Il ne va pas m'être très utile à présent :(.
J7 / 17 juillet 2020 : Urdos, Pombie
Après un copieux petit déjeuné je pars d'Urdos le sac chargé de 7 jours de bouffe pour monter au col d'Ayous. C'est un peu la grisaille, je suis sous la mer de nuage. À mi-parcours, je rencontre 2 randonneurs au refuge de Larry. C'est une toute petite cabane très propre et super équipée, il y a même une plaque de cuisson au gaz. J'en profite pour me faire un thé et échanger un peu. Partis d'Etsau ils se rendent à Hendaye, portant l'intégralité de leur ravitaillement pour 15 jours de marche. Ils ont uniquement 10 kg pour 2, c'est à peu près moitié moins que ce que je prévois pour moi !
Une fois le col d'Ayous passé, je sors un peu des nuages. Je passe le long des lacs Gentau, Bersau, Castérau, c'est très beau mais il y a plein de monde et par conséquent, c'est sale.
Au pied de la haute falaise du pic Castérau, je suis surpris par des sons vraiment étranges, qui peuvent faire penser à des chants d'église comme étouffés et déformés. En fait, derrière une petite bute se trouve un troupeau de moutons. Il s'agit de l'écho des cloches contre la falaise qui donnent cette ambiance sonore très particulière !
Je remonte vers le refuge de Pombie par le col de Peyreget. L'Ossau se cache à nouveau derrière les nuages, dommage. L'accès au refuge est interdit à moins d'y dormir ou manger à cause du COVID. J'y prends quand même une bière à l'extérieur, il y a essentiellement monde qui partent ou reviennent du pic.
Je me trouve un bel endroit de bivouac un peu avant d'arriver aux bergeries plus bas, et prends mon repas sur un immense roc plat qui a chauffé au soleil toute la journée. Qu'est ce que c'est agréable d'avoir une table chauffante :).
J8 / 18 juillet 2020 : Pombie, vallée du Marcadau
Aujourd'hui ça va être une journée de lac. Les nuages sont partis, j'ai droit à un beau levé de soleil. La descente vers le Cailloux de Soque se fait à travers une belle hêtraie. Je suis vraiment en forme ce matin et ma période de « rodage » que je m'étais imposée étant terminée, je carbure dans la remontée vers Arrémoulit, essayant de rattraper tout le monde le plus rapidement possible et essayant d'avoir une vitesse ascensionnelle toujours plus grande sur mon altimètre.
Je passe encore par des lacs magnifiques, chacun avec sa teinte bleuté unique, ou au contraire à l'eau cristalline : Arrious, Artouste, Arrémoulit, puis derrière le col d'Arrémoulit, la série des lacs d'Arriel, dans lesquels je prends un bain bien revigorant.
Il y a un monde fou qui se masse autour du refuge de Respomuso, ce qui semble être la norme… Je ne m'y arrête pas. La fin de journée commence à se faire sentir dans la montée vers le col de la Fache, je la trouve très fatigante alors qu'il n'y a pas de difficultés particulières, peut-être parce que j'ai trop envoyé ce matin ? Quelques névés assez pentus à passer, surtout côté France, mais en fin de journée la neige est rendues bien molle. Je comptais initialement bivouaquer avant de redescendre sur Wallon, mais je ne trouve rien qui me satisfasse (ou c'est déjà pris), du coup je m'installe tout en bas dans le cirque du Marcadau. Il y aura quelques moustiques mais pas vraiment dérangeants. Je déguste une bonne polenta agrémentée de ciboulette sauvage importée à pied d'espagne :)
Grosse et longue journée aujourd'hui, mais des paysages tellement magnifique !
J9 / 19 juillet 2020 : Vallée du Marcadau, Bujaruelo, Port de Boucharo
La vallée d'Arratille, c'est vraiment le paradis : de l'eau qui serpente et chute d'un peu partout, des petits pins à crochets parsemés dans le paysage et des rochers blancs et ronds posés au milieu d'une herbe bien verte. Les lacs d'Arratille et du Col d'Arratille sont tout aussi beau, je suis aux anges, d'autant plus qu'il n'y a pas de difficultés particulières.
Au col d'Arratille, le sommet massif du Vignemale me fait face.
Comme je connaissais déjà le sentier du Col des Mulets jusqu'au port Vieux via les Oulettes d'Ossoue, je redescends côté espagnol par la longue vallée du rio d'Ara vers Bujaruelo. Clairement, ça ne vaut pas le coup, c'est moi beau, je trouve la vallée assez aride et il y fait chaud (en même temps c'est le milieu de journée et le soleil tape fort), c'est long. À choisir à nouveau, je serai bien repassé par Ossoue. Bujaruelo, c'est plein de monde, un immense stationnement/camping rempli de voiture et même si l'endroit est beau, plein d'herbe et d'ombre pour faire la sieste au bord du rio Ara, il perd de son charme par le suraménagement pour les promeneurs.
J'avais prévu de manger là le soir, mais tout ce monde ne me donne pas envie de rester, il est tôt et j'ai de l'avance, et je suis large en terme de bouffe. Donc je remonte au port de Boucharo, ma principale inquiétude est surtout de savoir si j'arriverai à trouver un endroit de bivouac, le relief ne semble pas laisser de place à des replats d'après ma carte. Ou sinon c'est sous les lignes électriques du port Vieux, beurk. Et plus je monte, plus ça devient minéral. Mais finalement je trouve un endroit magnifique au pied du Pico Escusaneta, il y a de l'herbe et du plat avec un torrent pas loin, alors qu'autour ce n'est que des éboulis pentus. Mais surtout je suis aux premières loges pour admirer le Vignemale et le couché de soleil !
J10 / 20 juillet 2020 : Port de Boucharo, Fajas de las Flores, Goriz, Llanos de la Larri
Le programme d'aujourd'hui était un peu laissé à l'improvisation. Pour traverser le secteur Gavarnie/Mont Perdu/Ordesa, il y a tellement de belle choses à voir que ce n'est pas évident de choisir. Le cirque de Gavarnie je connaissais déjà, donc ça élimine une possibilité. Restait à choisir entre l'itinéraire via les sommets de Gavarnie (brèche, Casque, Cylindre, Marboré, Tuquerouye) ou les vires de Ordesa. Sachant que de tout manière j'ai prévu de revenir dans ce coin là plus tard dans la saison pour faire ce que je n'aurai pas fait. J'opte finalement pour les vires, ne connaissant pas trop l'enneigement surtout pour la cheminée dans la redescente du Mont Perdu. Par contre mes cartes imprimées ne couvraient pas certaines parties les plus aux sud, mais heureusement j'avais anticipé ça en prenant une photo d'une grande carte du secteur sur un panneau à Bujaruelo la veille, j'ai bien joué sur ce coup là ! Je me dis que pour les prochaines fois je pourrais aussi exporter mes cartes en JPEG pour les mettre sur la carte mémoire de mon appareil photo, ça me fera un deuxième backup quand mon téléphone est HS.
Je m'engage dans une première vire (sans nom ?) après avoir passé la forqueta de Gabietou. Le soleil n'est pas encore là, je suis complètement dans l'ombre et la température est supportable. La vire n'est pas vraiment plate, ça monte et descend mais permet d'avoir des vues très variées. Quelques passages délicats qui aurait pu être problématiques par temps de pluie. J'y vois aussi beaucoup d'edelweiss. Au Pico Mondarruego, je retrouve le soleil et une belle vue sur la Brèche.
Je rejoins la Faja de las Flores, celle-ci beaucoup plus connue et populaire vu que j'y croiserai plusieurs personnes. Elle suit essentiellement les courbes de niveau et offre de beau points de vue plongeants sur le canyon de Ordesa, mais je la trouve en soit moins jolie, il lui manque la diversité et l'aspect chaotique de la première.
Je me retrouve sur le Plano de Millaris, un paysage karstique. D'ailleurs je n'avais pas pris beaucoup d'eau en partant ce matin, et je commence à être bien assoiffé. Après pas mal de zig-zag pour contourner les crevasses j'atteins un torrent à La Plana avec une belle cascade et une vasque naturelle pour s'y rafraîchir. Pause casse-croûte obligé !
Je reprends la route direction le Refuge de Goriz. La navigation par faible visibilité dans ce secteur doit être horrible, d'autant plus que les espagnols ne semblent pas avoir compris l'utilité des cairns : il y en a de partout, on peut marcher dans n'importe quelle direction possible tout en continuant à suivre des cairns ! Du coup j'arrête de perdre mon temps à les chercher, je passe là où ça semble être le mieux.
Goriz est une grande plaque-tournante, entre tout ceux qui reviennent du Mont-Perdu, ceux qui arrivent de Ordesa, ça part ça arrive… Bref du monte de partout. Je me renseigne juste sur la météo : l'orage n'est effectivement pas loin :/. J'avais initialement prévu de dormir un peu après Goriz mais il n'est que 15h… Mais l'orage sera bientôt là. Et je ne rencontrerai probablement pas d'endroits plats pour le bivouac avant une quinzaine de bornes, soit au llano de la Larri, mais que j'avais noté comme très beau, donc ça me tente bien de pousser jusque là pour le soir. Je décide donc de continuer quand même, via le GR11 et la Faja de las Olas.
Marmotte en pleine contemplation :
C'est lorsque je suis en plein sur la vire que l'orage arrive derrière moi. Je presse le pas. Je suis pile dans l'axe pour avoir une vue tout en longueur sur le canyon de Añiclo, plus sauvage et étroit que Ordesa. Je dois l'admirer en vitesse malheureusement. Le vent d'ouest pousse l'orage vers moi, jusqu'à ce qu'il soit juste au dessus du Mont-Perdu et de moi. Je presse encore le pas, je ne suis pas exposé mais je ne sais pas jusqu'où la foudre peut descendre le long des parois mouillées. Pour ne pas arranger les choses, il y a même des chaînes métalliques sur la parois à certains passages délicats, vu que tout est mouillé et glissant, je suis obligé de m'y agripper. Au bord du sentier dans les rochers j'aperçois du matériel et un sac de couchage posé sur une pierre (tout trempé évidement). Un gars qui est allé grimper la Punta de las Olas juste au dessus ? Il doit passer un mauvais moment là-haut… Le collado de Añisclo est enfin en vue en contrebas, je le passe et bascule dans la vallée de Pineta. Plus de danger ici. Et de toute manière… l'orage se termine. Je l'aurai eu pile au mauvais moment ! La descente est juste horrible par contre, c'est très abrupte et bien que je sois sur le GR 11, le sentier est tout pourri, m'obligeant à descendre à pas de géant de pierre en pierre. Je vois le plat de la Larri en face de l'autre côté de la vallée. C'est pas loin… à vol d'oiseau ! Mais à pied j'en suis encore loin. J'emprunte ensuite un sentier qui contourne toute la vallée de la Pineta par son cirque, m'évitant de devoir passer par le fond de la vallée pour remonter ensuite. C'est un sentier de grimpeur, mal dégagé et qui fait tout sauf suivre les courbes de niveau. Moi qui pensais trouver là un sentier tranquille en balcon avec une belle vue sur la vallée :). J'éponge tout à travers la végétation détrempée (il avait cessé de pleuvoir, à part quelques averses éparses) et je suis vraiment fatigué pour ne plus rien apprécié. Je [del]mange[/del]essaye de manger, quand mes 2 mains ne sont pas occupées à repousser la végétation, quelques poignées de fruits secs pour retrouver un peu d'énergie. J'arrive enfin au cirque de Pineta, des gigantesques chutes de partout, qu'est ce que c'est beau !
Au moment de traverser le torrent principal, il y a comme un petit problème : le pont ne permet de traverser que la moitié du torrent !! Ce n'est pas qu'il est détruit, il y a bien des marches en pierre qui descendent en plein milieu de l'eau. Le torrent est en crue, ce qui pourrait avoir du sens avec l'orage ? Ça n'a pas trop l'air vu l'allure du lit et la profondeur qu'il y a. Bref, il est un peu inutile. En tout cas hors de question de tenter de traverser, rien que de voir le débit et les gros bouillonnements en aval, ça me donne des frissons. Je le longe en descendant (en amont il y a 100 m de chute), je trouverai bien la possibilité de traverser à gué. Je marche en devers dans des pentes pleines de graviers de schiste (aucune adhérence la dessus) et au milieu des débris d'avalanche. Ça descend bien, pas moyen de trouver un passage dans une eau un peu plus calme, ça dévale à pleine puissance. Je commence à me faire à l'idée que je vais devoir rejoindre comme ça le plat de la vallée, quand tout à coup j'aperçois un bon gros pont, en béton bien dur, il y a une piste qui passe là (ben oui, pourquoi je n'avais pas regardé ma carte aussi, elle y était bien indiquée ? La fatigue probablement). Je passe le pont tout content, qu'est ce que c'est facile comme ça ! Plus que quelques kilomètres de montée à faire sur cette piste pour atteindre le replat et je serai arrivé.
Il y a même une cabane (cabane de la Larri), je m'approche, j'entends des voix, des Espagnols. Je suis complètement éreinté, plus le courage tenter de socialiser en espagnol. Je vais monter mon abri un peu plus loin.
Et de toute manière, il faut vraiment le vouloir pour s'enfermer dans une cabane alors qu'on peut avoir une telle vue dehors :
Repas expédié et dodo.
J11 / 21 juillet 2020 : Llanos de la Larri, Chemin des Mines, Lacs de Barroude
La journée d'aujourd'hui sera bien plus tranquille, déjà parce que j'ai bien avancé hier et que j'ai pas mal d'avance accumulée, et deuxièmement car il y a encore de l'orage prévu. Si il éclate aussi tôt qu'hier, je suis mieux de ne pas prévoir trop de kilomètres.
Quasiment chaque journée depuis le début avait son attrait remarquable ou curiosité à voir. Aujourd'hui c'est le Chemin des Mines (Camino de las Pardas). C'est un sentier muletier historique reliant les mines de Parzán en Espagne au Port de Barroude à la frontière, après être passé à flanc des falaises du cirque de Barroude. Le site donné en lien donne plein d'informations passionnantes sur l'histoire du sentier et la géologie particulière du lieu. J'avais lu tout ça lors de la préparation de mon itinéraire, maintenant je vais pouvoir le voir en vrai.
Je quitte le paisible Llanos de la Larri et les vues sur le Mont Perdu et me dirige vers Petramula. Le sentier est facile, j'ai retrouvé le GR 11. Après par contre, c'est une longue piste de caillasse qui monte à travers une estive en plein cagnard aux mines de Parzán, pas super agréable. Je vois à un moment donné une sente qui semble couper quelques virages de la piste, je la suis. Mais finalement c'était juste un sentier de vache, du coup je monte droit dans la pente pour revenir sur la piste, puis arrive à la mine Robert. C'est une longue faille dans la roche, à certains endroits exposée à l'air libre, à d'autres il y a des entrées de galeries et des puits de mine. De l'autre côté de la crête se trouve la mine Luisa, qui semble exploiter l'autre extrémité du filon, et des vestiges du monte-charge qui descendait le minerai sur Parzán dans la vallée. Quand à moi je prends le chemin des mulets pour traverser le cirque de Barroude.
La première partie est en majorité sur une vire, à certains endroits le passage est renforcé à l'aide de murets de soutènement, notamment dans les couloirs avalancheux. Mais il n'en reste plus grand chose, car n'étant plus entretenu beaucoup de portions ont été emportées/ensevelies sous les éboulis, rendant leur traversée assez pénible et périlleuse vu le devers. Ça me vaudra quelques bonnes gamelles. À d'autres endroits le sentier est si étroit que je me demande comment des mulets chargés avaient la place de passer là. Dommage que ce sentier semble sombrer dans l'oubli, car malgré tout il offre de chouettes vues sur le cirque au fur et à mesure qu'on avance.
Le genre de devers pénible à franchir, de vrais tapis roulant :
On voit bien la ligne que suit le Chemin des Mines :
J'atteins le port de Barroude dans l'après-midi. L'orage lui ne semble pas pressé d'arriver, tant mieux. Je suis très fatigué aujourd'hui, sûrement de la fatigue accumulée des derniers jours, et particulièrement de la veille. Même si demain je repars sur la crête, je me dis que ça vaut le coup de descendre quand même jusqu'aux lacs de Barroudes pour bivouaquer, j'y serai mieux qu'au col. Et en plus des panneaux indiquent le refuge de Barroude. Bizarre, je ne l'avais pas noté celui-là dans mon plan de route et n’apparaît pas sur ma carte non plus. Peu importe, je commence à m'imaginer une bonne omelette aux fromages (oui, au pluriel, ben quoi :) ) avec une bière bien fraîche et une crêpe au chocolat après un bain dans les lacs à mesure que je descends. Mais rendu sur les lieux c'est le grand désespoir : je ne trouve que des ruines, le refuge a brûlé il y a plusieurs années… Voila pourquoi je ne l'avais pas noté. Ça me fait un choc au moral de voir mon espoir envolé d'un coup. Je reste bêtement planté devant les restes de l'incendie. Il ne reste plus que les fondations en béton et quelques restes de murs. Le reste à été nettoyé. Ça fait quand même bizarre de se dire qu'il y avait un refuge à cet endroit, et d'imaginer le drame qui s'y est produit. N'empêche, j'aurai tout donné pour manger une omelette sur le coup !
Je profite quand même du lac et passe le restant de l'après-midi à faire la sieste.
Finalement, alors que le ciel était bien dégagé au moment de me coucher, l'orage arrive enfin dans la nuit. Je rêve que l'orage est maintenant porteur du COVID-19 et qu'il faut d'autant plus s'en méfier, que Sarkozy est Premier Ministre aux côtés de Macron Président et qu'ils ne s'entendent pas sur les mesures de sanitaires à prendre. Bref c'est pas la joie :). Je fini par me réveiller (en fait je ne sais pas comme j'arrivais à dormir jusqu'à présent avec un boucan pareil), l'imposante falaise du Pic de Troumouse amplifiant le tonnerre déjà bien proche et il tombe de bons gros grêlons sur la toile de mon abri. Ça fini par se transformer en pluie et je me rendors.
Trouvé après coup, un film dans lequel Eric Courgeon raconte sa vie de gardien au refuge de Barroude avec sa famille, avant l'incendie. Très intéressent à écouter.
J12 / 22 juillet 2020 : Lacs de Barroude, Rioumajou, Bachimala
Je remonte au port de Barroude et, de là, je suis la crête frontalière sur une bonne dizaine de kilomètres : crête de Port Vieux, crête de Bataillence, je contourne la crête de Moudang et monte au pic de Lia. C'est beaucoup de montagnes russes, le terrain est constitué essentiellement de schistes et de touffes de gispet bien jaunies, et les vues de part et d'autre de la crête sont moins spectaculaires que ce que j'ai pu voir les jours précédents. J'imaginai cette portion plus jolie.
Forcement en marchant vers l'est, j'ai le soleil dans la face le matin. Mais lorsqu'il y a des nuages ça peut donner de beaux jeux de lumières :
Regard en arrière sur Barroude :
La redescente sur l'Hospice de Rioumajou depuis le pic de Lia est très pénible. Il y a une mini sente marquée par des grosses tâches de peinture orange, mais globalement c'est tout droit dans le gispet et les rhododendrons. Je constate d'ailleurs que le gispet, ça ne glisse pas qu'un peu : lors d'une chute à force de marcher dedans, je glisse sur plusieurs mètres sur l'herbe avant de réussir à m'arrêter !
Pile en face, à une centaine de mètres de moi, j'aperçois tout plein de vautour perchés sur un piton rocheux, juste au dessus d'une combe. Ils s'envolent tous à mon approche, et je constate que je les ai dérangé en pleine digestion : les restes de ce qui ressemble à un mouton baigne dans le ruisseau au fond. Ça me conforte bien dans l'idée de systématiquement filtrer l'eau, même à 2500 m et même si le ruisseau n'a pas fait 50 m. Je ne sais jamais ce qui peut y avoir (eu) dedans…
L'hospice de Rioumajou ressemble à Bujaruelo en moins grand. C'est très touristique mais comme il y a quand même quelques kilomètres de marche à faire depuis le stationnement (et 25 m de dénivelé à tout casser), c'est moins la foule. Il est 14h et je décide de me prendre un bon repas (aaah, la revanche d'hier soir !). C'est aussi une excuse pour pouvoir recharger mon appareil photo, et surtout emprunter leur téléphone pour prendre des nouvelles de mon père (qui, pour rappel, devait me rejoindre quelque part après Isil pour marcher quelques jours ensemble), et lui dire que moi, j'y serai bien dans les temps prévus. Sinon l'accueil à Rioumajou c'est pas terrible, j'ai droit à une leçon de morale sur le fait qu'on ne mange pas à 14h (même si c'est écrit « Assiette composée servie à toute heure », visiblement sauf après 14h…). Ça se voit qu'ils sont plus habitués aux touristes qui viennent se promener qu'aux randonneurs, ce n'est pas du tout l'ambiance d'un refuge, juste un restaurant en pleine montagne :(. Bon, je laisse mon estomac décider et prend sur moi. J'aurai payé 17 € pour une omelette, 2 tranches de melon, une portion de fromage que même une souris serait restée sur sa faim et la moitié de l'assiette remplie de frites.
Malgré tout, ce repas qui me change un peu de mes noix et biscuits secs m'a fait un gros regain d'énergie, et après une sieste digestive à cause des frites, je remonte à plein régime vers le port de Madèra. C'est fou comme avoir manger quelque chose qui me sort de l'ordinaire me procure d'un coup autant d'énergie. Pourtant depuis le début je ne me rationne pas du tout et ne manque jamais de nourriture. Il faut dire aussi que pour remonter j'ai droit à un vrai sentier bien marqué, ce qui me permet de marcher plus rapidement avec moins d'efforts. Je profite pour pousser encore et redescendre dans la vallée suivante, la valle de Bachimala. Là encore, par un beau sentier.
Peña Castillón au port de Madèra :
C'est un des passage pas très optimisé de ma HRP, dans le sens où je dois redescendre successivement au fond de deux vallées perpendiculaires (nord-sud) qui me barrent la route vers l'est (donc descente, montée, descente et montée). Je n'ai pas trouvé mieux en préparant mon itinéraire. La dernière montée sera pour demain, un bivouac au milieu des arbres sous les 2000 m est sympa aussi de temps en temps. En revanche les vaches sont en surpopulation ici et je galère un peu à trouver un endroit épargné de leurs excréments… J'ai d'ailleurs la brillante idée de shooter dans une vielle bouse séchée pour faire de la place, manque de bol, seul le dessus était sec !
J13 / 23 juillet 2020 : Bachimala, Gourgs Blancs, Refuge du Portillon
Le sentier qui remonte sur le versant d'en face est un peu délicat à trouver au début au milieu des pins à crochets mais est bien là, il y a même un balisage couleur vert forêt/vert clair jusqu'au Paso de la Gatera. De là je coupe en devers jusqu'au port d'Aygues Tortes. Je monte trop haut au début, voulant m'aligner au plus tôt sur l'altitude du col, mais je me retrouve à devoir franchir des barres rocheuses qui compliquent un peu ma progression. Le mieux est de ne pas chercher à monter de suite, de toute manière on finit par retomber sur le sentier qui monte au col si on est reste trop bas.
Je suis à 11h au port d'Aygues Tortes et ça bourgeonne déjà dans le ciel, Oh nooon ! Il faut que je passe au moins les cols des Gourgs Blancs et du Pluviomètre avant que ça n'éclate. Après une courte pause je redescend rapidement la vallée d'Aygues Tortes au lac de Pouchergues. C'est dommage la vallée est très belle mais je n'ai pas beaucoup de temps pour l'apprécier. S'ensuit la montée quasiment verticale au lac de Clarabide (je prends +600m en a peine 1,5 km). Ce n'est pas de tout repos, mais le lac de Clarabide vaut mille fois cet effort. La teinte bleutée de son eau est d'une intensité exceptionnelle, probablement un des plus beau lac que j'ai pu voir dans cette traversée !
Courte pause encore une fois avant de repartir, le ciel m'inquiète un peu. Je bascule dans les Gourgs Blancs après pas mal de sauts de chèvre sur les gros blocs d'éboulis au pied de la pyramide de Pouchergues. De part et d'autre du col, c'est encore bien enneigé mais peu pentu et pas glacé, les névés se traversent sans grande difficulté. Par contre les premières gouttes arrivent ainsi que des nuages bas.
Au col du pluviomètre je fais une petite erreur d'orientation. Au lieu de viser la crête et le Tusse de Montarqué, je descends direct sur le lac du Portillon. Peut-être qu'il y avait des cairns qui indiquaient cette direction, je ne me rappelle plus. Toujours est-il que je me retrouve coincé par des grandes falaises à pic qui tombent dans le lac. Je ne vois plus grand chose, les nuages ont envahi le lieu. J'essaye de trouver un passage, je monte, je descend, je remonte à nouveau… sans vraiment bien avancer. Je finis par retrouver quelques cairns et descend sur le refuge, caché dans un renfoncement de la roche.
À temps avant l'orage (qui n'aura pas lieu) et la pluie. Je ne me vois pas m'engager sur le col de la Literole par ce temps, d'autant plus que la gardienne me dit qu'il est bien enneigé (comme toujours) côté espagnol. Le refuge est sympa, le cadre autour est très moche et austère (merci EDF pour tout ce béton !), le temps pluvieux n'arrangeant pas les choses et je ne vois pas trop où est ce que je pourrai dormir dans toute cette caillasse. Bref, vous l'aurez compris, je retourne voir la gardienne pour réserver repas et nuit au refuge.
J'en profite pour faire un peu de couture (le porte-bouteille en mesh sur mon sac était plutôt fait pour des bouteilles de 500 ml, que j'ai pour la première fois remplacées par une seule de 1 L, et le surpoid a déchiré certaines coutures). Je me régale d'un repas simple mais délicieux et copieux, suffisamment pour satisfaire notre table de randonneurs affamés. Je discute notamment avec un groupe de randonneurs qui s'organisent une rando à chaque année dans les Pyrénées. Ils ont sont déjà à parler de celle de 2021, après leur avoir parlé des lieux que j'ai traversé :).
Pas de douche au refuge par contre, à cause du COVID (pour des raison sanitaire, ne vous lavez plus :P ). Je l'aurai apprécié mais ça ne me manque pas plus que ça, ces derniers jours j'arrivai à me baigner dans des lacs presque tous les jours, ça suffit à me sentir suffisamment propre. C'est la première fois que je dors en intérieur et sur un vrai matelas depuis que je suis parti, eh bien je n'ai jamais aussi mal dormis :(. Trop chaud et trop sec, j'avais l'impression d'étouffer, matelas trop mou… Alors qu'en bivouac, même si je fais quasiment toujours des nuits hachées (je me réveille à chaque fois que je me retourne), je récupère quand même très bien.
Je me rends compte que (involontairement, c'est plus un concours de circonstances) j'alterne depuis plusieurs jours 1 grosse journée de marche suivie d'une petite journée. Je ne saurai pas dire si c'est plus efficace, j'aurai plus tendance à privilégier une certaine régularité mais il faut faire avec les contraintes du terrain et de la météo :).
J14 / 24 juillet 2020 : Refuge du Portillon, Benasque
Départ un peu plus matinal que d'habitude, je quitte le refuge à 7h. Aujourd'hui c'est jour de ravitaillement, mon deuxième depuis le départ. J'ai un colis qui m'attend en poste restante à Benasque.
Je réfléchis tout en montant au col de la Literote dans les éboulis. Je suis à l'ombre et il fait bien frais encore, j'ai même mis mon coupe-vent. Le bureau de poste fermant à 14h (et ne réouvre que lundi suivant), si je ne veux pas passer mon week-end à Benasque il faut que j'y sois avant la fermeture. Dans mon plan de route, j'avais noté un bus que je peux prendre à l'Hospital de Benasque et qui descend à la ville. Il passe à 10h par contre, ce qui est un peu tôt. Sinon c'est du pouce, ce que je pensais à la base, mais à l'heure où j'y serai je doute qu'il y ait grand monde qui descende à cette heure, et j'ai un peu de doute si je vais pouvoir être pris facilement avec le contexte actuel côté espagnol… Du coup je me met en tête de choper le bus à 10h, c'est plus sûr pour arriver à la poste dans les temps. Je n'ai vraiment pas envie de perdre 2 jours à attendre à Benasque.
Je passe le Col Inférieur de la Literole, effectivement côté espagnol c'est encore bien enneigé.
Les premiers 200 m sont délicats à descendre, c'est abrupte et encore gelé de la nuit. Il y a quelques vieilles traces qui m'aident un peu, j'alterne entre assurer chaque pas et de la glissade plus ou moins contrôlée à l'aide des bâtons suivant ce qu'il y a en bas. Ça va mieux en dessous des 2800 m. Je passe le très bel Ibón Blanco de Literola, avec une vue sur l'Aneto au loin, avant de descendre dans la vallée. Je perds de vue les quelques cairns (que je ne suivais pas vraiment depuis le début il faut dire, préférant adapter mon chemin en fonction des névés et éboulis), et je pense être descendu trop au nord. C'est d'abord très abrupte, puis je me retrouve à devoir désescalader des barres rocheuses faute de pouvoir les contourner. J'arrive enfin en bas et retrouve un sentier, et même un randonneur qui monte. Pfiou, plus de 2h que je suis parti déjà… et il ne me reste plus qu'une petite heure pour attraper le bus ! Je force le pas, mais maintenant ça avance plus vite sur le sentier.
Au fur et à mesure que je descend, je me rend compte que ça ne va pas le faire, je commence à cavaler. Le bus part de la Besurta à 10h, j'ignore combien de temps il va mettre pour atteindre mon arrêt, ça doit me laisser un 5 ou 10 minutes de marge. Je perds le sentier à un moment sur un plat marécageux, le retrouve plus loin. Il est 9h45, ça n'en fini pas de descendre mais la vallée de Benasque est encore loin. 9h50, je garde l'espoir. 9h56, là je me dis que c'est mort, je n'y arriverai pas, je suis trop loin encore. De rage je lance mes bâtons sur le sentier en contrebas. Je continue à courir à défaut de mieux, mais sans aucun espoir. 9h59, je vois… la route en contrebas ! Regain d'espoir, je me dis que j'ai encore une chance, j'accélère. Je suis même certain de l'avoir maintenant. Dans ma tête, je l'ai déjà. 10h00, ça y est le bus est parti. Je croise plein de randonneurs qui montent, je leur adresse juste un ola!, ils doivent me prendre pour un taré à cavaler comme ça. À 10h02, je suis sur la route. Mais ce n'est pas là que le bus passe. Petit point d'orientation, je sors ma carte. L'arrêt se trouve à l'entrée du stationnement sur une autre route en contrebas encore (j'avais noté le waypoint sur ma carte sur mon téléphone, mais je me rappelle suffisamment bien de la localisation exacte). Pour rejoindre cette route, 2 solutions, soit je vais chercher un sentier un peu plus loin en continuant au nord la première route, soit je dévale 80 m de dénivelé droit dans le remblais qui sépare les 2 routes. Le choix est vite fait. Je repars 10 secondes plus tard. Je fais tomber plein de caillasse, j'imagine les promeneurs sur le stationnement me regarder en pensant que je suis bien maladroit pour un chamois (et ils ont raison :) ), mais j'ai pas le temps de faire attention à eux. 10h03 je suis sur le stationnement, je le traverse en sprint. L'arrêt de bus est clairement visible avec un abri en bois rond, ouf. 10h04, j'y suis, il y a des promeneurs qui attendent, gagné ! Le bus arrive à 10h10 : j'ai eu 6 minutes d'avance sur lui \o/
Quel stress, mais rétrospectivement, qu'est ce que je me suis régalé :P !!
Le chauffeur me demande où je descends quand je lui dis que je vais à Benasque. Ben j'en sais rien moi, c'est si grand que ça Benasque ? Où vous voulez, ça m'est égal, je peux marcher 3 km dans la ville vous savez, après ce que j'ai cavalé. Je sais même pas où est la poste de toute façon. Mais je ne sais pas dire tout ça en espagnol. Je lui répond en anglais, il fait la moue. Pourtant je dois être loin d'être le seul touriste étranger dans cette vallée.
Je suis à Benasque à 11h. Benasque c'est assez particulier. Il y a le centre tout en pierre (maisons, édifices, rues, fontaines… tout est en pierre) C'est très beau et bien conservé. Comme s'ils voulaient prendre la petite ville en siège, les hôtels, restaurants, magasins de location de ski/VTT et appartements de vacances pullulent et l'encercle en l'étouffant, et relarguent continuellement une masse de touristes qui vont et viennent dans chaque petite rue du centre historique.
Je trouve non sans mal (après m'être résolu à aller demander à l'office du tourisme… ) le bureau de poste. Je demande mon colis à l'agente. Elle fouille un moment dans ses colis et revient : « je ne le trouve pas ». C'est pas possible, ça fait 15 jours que je l'ai posté, il ne peut pas mettre autant de temps à arriver, même depuis la France. Je lui demande de me confirmer l'adresse qui apparaît sur mon reçu. C'est bien la bonne. Elle me propose de revenir lundi matin, elle l'aura peut-être. C'est bien le « peut-être » qui m'embête. Déjà que passer 2 jours et demi à Benasque de m'enchante pas, mais en plus si je ne suis pas certain d'avoir mon colis après ça… Il contient toute ma bouffe mais aussi les cartes imprimées jusqu'à Banyuls. Ça va être compliqué de faire sans, vu que je n'ai déjà plus de téléphone…
J'achète un peu de quoi manger, fait une sieste et réfléchi. J'essaye aussi de trouver du Wi-Fi ET une prise électrique à côté pour pouvoir utiliser mon téléphone et avoir des infos sur mon colis. Pour info la seule prise électrique publique que j'ai trouvée se situe sur la Plaza Ayuntamiento (pile en face de la poste) en hauteur dans un boîtier électrique qui alimente la borne Wi-Fi de la place. Le service de suivi de colis de La Poste est en panne, super. Je suis pas bien plus avancé. J'arrive à prévenir mon père que c'est mort pour moi le rendez-vous, j'aurai 2 jours de retard. De toute manière lui ne pouvait plus non plus finalement. C'est dommage mais d'un côté je suis rassuré. Ah et aussi mon câble USB marche plus. C'est vraiment de la merde ces câbles, ils tiennent jamais plus qu'un an avec moi, pourtant j'essaye de pas les tordre dans tous les sens. J'en rachète un qui doit être 4 fois plus lourd dans un magasin de bricolage.
Je vais me trouver un endroit sur les hauteurs de Benasque pour passer la nuit.
J15 et J16 / 25 & 26 juillet 2020 : Benasque…
2 jours que je dois passer à Benasque donc… Enfin pas à Benasque même, sinon je deviendrais fou. Je vais dans un camping à 1/2 heure de marche en amont dans la vallée, le camping Ixeia (juste après le camping Aneto). C'est plutôt bien, tout le monde va au camping Aneto 5 étoiles-piscine-tennis-etc, et le petit camping Ixeia est bien plus tranquille comme ça. J'ai un grand pré en friche que je partage avec quelques autres tentes, il y a une terrasse, des livres, c'est sympa.
Je mange, fait la sieste, une grosse toilette, grosse lessive, lis. Bon finalement ça passe vite. Mais je n'ai qu'une envie c'est de repartir pour avancer. Je pourrais faire des rando aux alentours en attendant mais ça ne m'intéresse pas tant que ça ne me fait pas avancer vers l'est.
Je me dis que ça me fait aussi du repos pour ma cheville : la douleur suite à mon entorse n'est jamais revenue heureusement, mais elle est toujours plus enflée que ma cheville droite, même si ça diminue. Si bien que la première dizaine de jour je marchais avec une chaussure très peu lacée (sinon ça me faisait mal du côté opposé).
Le samedi soir le suivi de colis de la poste remarche. J'apprends que depuis le 16 juillet mon colis est bloqué quelque part car il ne trouve pas l'adresse. C'est à dire l'adresse de leur bureau de poste quand même. Et que l'agente hier m'avait confirmé être correcte. Gros soupir… Je ne l'aurai donc pas lundi non plus. Il m'attendra sagement chez moi à Toulouse à mon retour. Chouette, après un mois de rando j'aurai tellement envie de manger… des trucs secs :).
Il faut donc absolument que je trouve à faire réimprimer mes cartes (ou acheter les 3 kg de carte IGN/espagnoles jusqu'à Banyuls :D). Et là je suis chanceux, il se trouve qu'il y a une bibliothèque à Benasque, bien cachée dans les petites rues, et ouverte le dimanche matin. Et avec un jeune gars très aimable qui m'imprime gratuitement mon PDF avec toutes mes cartes (jusqu'à Andorre, j'allais pas trop lui en demander non plus). Pour la bouffe je trouve pas grand chose, ça sera flocons d'avoine matin/midi/soir (et ça sera dur à vivre :)). Je complète avec un pot de curry et un pot d'herbes de Provence que je vide dans le sachet, ça fera l'assaisonnement. Plus des noix, du chocolat et des biscuits quand même. Mais je suis loin de mes bonnes préparations que j'aurai dû récupérées.
Tout est prêt, je prévois de repartir lundi matin à la première heure.
J17 / 27 juillet 2020 : Benasque, Tuc de Molières, Estany de les Monges
Enfin, je reprends ma route !
Après avoir repris le bus pour remonter à la Besurta, je traverse le Plan d'Aigualluts, au fond de la large vallée du rio Ésera. C'est plat et facile et joli et touristique.
Je passe devant une cavité dans laquelle une bonne partie du rio Ésera s'engouffre pour aller resurgir dans une vallée de l'autre côté de la frontière ; c'est en fait une des sources de la Garonne. Puis je prends enfin de la hauteur, direction le Tuc de Molières, le glacier de l'Aneto en fond. Qu'est-ce que je suis heureux de remarcher à nouveau !
La montée via la moraine se fait bien, le rocher est stable et c'est bien plus agréable que dans de l'éboulis. Je double pas mal de monde, ça ne m'empêche pas de trouver encore beaucoup de monde au sommet. Décidément, c'est touristique par ici.
Avant de passer le tunnel de Vielha, je traverse une magnifique tourbière avec une incroyable diversité de fleurs. Il y a tellement de pâturage par les vaches, chevaux et moutons partout ailleurs que je trouve les estives globalement assez pauvres, c'est toujours les mêmes herbes et plantes que je vois. Alors que là, plein de fleurs différentes !
Il fait soudainement très chaud et étouffant alors que je monte en direction du parc national d'Aygüestortes, dans un chemin de roches blanches se faufilant à travers les pins à crochets, les massifs de rhododendrons et la bruyère. La végétation est bien différente. Il n'y a pas de ruisseau ou de torrent, l'eau coule partout entre les pierres. Ça y est, je suis entrée en Catalogne, dernière province espagnole avant la mer (bon, elle est encore loin hein).
C'est bête, mon espagnol commençait à me revenir à force de l'entendre parler. Maintenant, je ne comprends à nouveau plus rien avec leur catalan !
Aygüestortes, c'est essentiellement des lacs, il y en a partout. Au milieu d'un paysage granitique qui me fait penser au Mercantour. C'est aussi extrêmement fréquenté, notamment car je suis le Carros de Foc, itinéraire de randonnée qui en fait le tour en passant par les différents refuges. J'y vois beaucoup de fleurs blanches, parfois tachetées de marron, qui fleurissent un peu partout le long du sentier. Loin d'être une espèce protégée, elles sont assez envahissante dans certains endroits. Elles sont communément appelées PQ…
Je passe devant le refuge de la Restanca. Il est 19h et je sens la fatigue qui s'est installée depuis un moment, mais je pousse quand même plus loin. Ça grouille de monde et les refuges des Encantats ont plutôt mauvaise réputation pour leur accueil.
J'atteins le beau lac deth Cap deth Pòrt, qui reflète de belles lumières du soleil en contre-jour. Puis arrive à l'estany de les Monges, lieu de bivouac prévu. Et là, à ce lac (précisément entre le Coret de Uelhicrestada et le Port de Caldes), je pensais être temporairement à l'extérieur du parc (le bivouac y est interdit). Mais c'est l'inverse, jusqu'à présent je n'étais que dans la zone d'adhésion du parc, et je viens d'entrer dans le cœur du parc. Ces 2 limites de zones m'avaient mélangé en regardant les cartes, mais il me semble bien avoir lu cette info aussi dans un des récit de ce forum, que le lac de les Monges était à l'extérieur.
Bon ben tant pis, il est tard, je suis crevé, je ne sais pas si on peut bivouaquer dans la zone d'adhésion, donc tant qu'à faire je m'installe là où je suis, au lac de les Monges, et pas trop en vu du sentier. Seules les vaches et les isards seront témoins de ma présence ici.
Un orage éclate dans la nuit, venu de nul part. Dire que j'avais hésité à monter mon abri pour être plus discret, j'aurai eu une belle surprise !
J18 / 28 juillet 2020 : Estany de les Monges, Port de Bonaigua, Estany d'Airoto
Bon, je dois faire un choix : je pensais passer plus au centre du massif par les cirques de Colomèrs et de Saboredo, mais ça me rajoute pas mal de kilomètres et de dénivelé. Comme je marche avec 2 jours de retard à présent, je veux minimiser les détours. Je reste donc sur la HRP, avec un petit détour quand même au sud du refuge de Colomèrs pour passer par plus de lacs. Aygüestortes et les Encantats sont réputés pour la beauté de leurs lacs, mais j'ai du mal à apprécier l'environnement. J'ai traversé des endroits bien plus beaux à mon goût, notamment de l'Ossau jusqu'à Gavarnie, je trouve la couleur des lacs bien plus éclatante là-bas.
En passant devant le refuge de Colomèrs pour prendre un peu d'eau, je vois un énorme buisson de menthe. Chouette, ça améliorera un peu mes pauvres flocons d'avoine (et plus tard je trouverai à nouveau de la ciboulette sauvage).
La montée au Còth deth Tuc Gran de Sendrosa m'épuise complètement. Il n'y a rien de difficile pourtant, quelques centaines de mètres à grimper, sur un sentier raide mais un sentier quand même. J'ai plus d'énergie et j'ai très chaud depuis hier, il fait 30 °C à ma montre en journée.
En redescendant je manque le sentier qui plonge vers le plat de la vallée (le Val de Ruda) et fait donc un mini-détour par le refuge de Saboredo. Bien que je finis par rejoindre une piste de pierres blanches en pleins cagnard, le val de Ruda est très joli avec de l'eau et de l'herbe verte et ombragée de partout. Je mange sous des pins à crochets, assis dans l'herbe, les pieds dans l'eau et les yeux sur le Tuc Gran de Sendrosa. Ça fait du bien, difficile de trouver meilleur endroit :).
Surtout avec ce qui m'attend après : le port de la Bonaigua, avec ses pylônes de partout, sa route taillée dans la falaise, des machines qui broient du gravier sur les pistes de ski, générant des nuages opaques de poussière et d'odeur de diesel. Bref, c'est moche, ça sent mauvais, c'est bruyant. Je monte vite fait vers le col de l'Estany Pudo. C'est bien mieux, mes oreilles apprécient le chant des grillons et mes narines l'odeur des cytises (qui me rappellent que je suis plus proches de la méditerranée que de l'atlantique). Et mes yeux en prennent plein la vue, comme toujours :
Au dessus de l'estany Pudo, au lieu de passer le col normal (à 2343 m), je passe (enfin je crois) celui un peu plus au nord-ouest (à 2391 m). Il était censé être plus facile. Mais une fois de l'autre côté, je me perd et n'arrive pas à voir où rattraper l'itinéraire normal. Il est censé avoir un petit lac juste en dessous que je ne vois pas. Après pas mal de tergiversations je retrouve une sente à travers les rhododendrons et les blocs granitiques vers l'estany de Garrabea. Je manque de peu de marcher sur un gars qui faisait la sieste sur la sente au bord du lac (en même temps il n'y a pas vraiment de place ailleurs, là où il n'y a pas des rochers il y a des massifs de rhododendrons).
La sente est de toute manière éphémère et je la perds vite en remontant vers l'Estany Superior del Rosari. Grosse galère, pas de cairn, et tout est envahi par la végétation, y compris des gros trous entre les blocs. Au moment de regarder une nième fois ma carte, je me rend compte que je ne l'ai plus ! J'ai dû mal la remettre dans ma poche et elle a dû s'accrocher dans la végétation. Je pose mon sac et fais demi-tour, elle ne peut pas être très loin. Mais j'abandonne vite, je ne sais même plus par où je suis passé exactement, et elle est peut-être tombée entre des blocs de rochers… Elle couvrait mon parcours de ce soir et demain matin jusqu'à Isil. Bon ben maintenant il va falloir faire sans, le terrain étant déjà pas évident… Ça fait un bon exercice.
Je fais avec ce que je me souviens de la carte et du paysage que j'ai vu depuis le dernier col. J'arrive à l'Estany Superior del Rosari finalement sans trop d'hésitations, gagné ! Par contre maintenant j'ai 2 cols en vu, et je n'ai aucune idée de celui qu'il faut viser. Je vais avec celui le plus au sud, qui semble le plus facile. Sur le coup je ne sais pas si c'était le bon mais en tout cas j'aperçois le toit orange vif de la cabane d'Airoto. Super, plus qu'à descendre et m'y installer pour la nuit. Et avec une petit baignade dans le lac quand même avant !
Jeu : mais où se cache la cabane d'Airoto dans le paysage ?
Il y a du monde à la cabane, un peu trop même : un groupe de 5 ou 6 personnes et au moins 2 ou 3 couples qui ont monté leur tente à côté. Bon ben il ne me reste plus de place, bonsoir et… au revoir. Je vais m'installer plus bas. L'endroit est un peu exiguë, sur une parcelle d'herbe entre les rochers et la végétation, mais s'avérera très confortable pour dormir.
J19 / 29 juillet 2020 : Estany d'Airoto, Isil, Refuge Eric Pujol
Je descend sur Isil en suivant le torrent d'Airoto. Ça devrait pas être très compliqué sans ma carte. Au début il n'y a pas de sentier mais je finis par en retrouver un (en fait il aurait fallu que je remonte à la cabane pour le prendre). Ça tape dur de bon matin et je me retrouve dans une végétation bien plus sèche : des genêts, de la bruyère, de la sarriette (hop, ça avec mon avoine, je vais finir par avoir quelque chose de suffisamment varié finalement !) et encore plus bas je traverse un sous-bois de noisetiers (trop tôt pour les noisettes par contre).
À Isil, j'avais l'intention de ravitailler un peu au bar-épicerie. En fait j'ai réalisé que je n'ai rien de vraiment salé dans ce que je mange depuis Benasque, et vu tout ce que je transpire du matin au soir, je me dis que ma fatigue viendrait peut-être d'un manque de sel. Un ou deux paquets de chips devrait faire l'affaire.
Isil est un très joli hameau, tout en pierre et tout en fleur, et toujours bien habité. Le bar lui n'ouvre qu'à 11h par contre, zut. Ça fait un peu long à attendre. Tant pis, je poursuis en remontant jusqu'à Alós d'Isil rive gauche par un GR ombragé le long de la rivière. Par contre à partir d'Alós, c'est de la route.
Paysage déjà très méditerranéen
Au départ du ravin de Comamala, j'ai un petit doute au moment où je suis censé passer une barrière, enchaînée et cadenassée, il y a quelques maisons et des véhicules (donc des gens y habitent), je passe discrètement, mais les maisons plus haut s'avèrent être juste des granges abandonnées.
La remontée au Coll de la Comella est encore une fois éprouvante. Alors qu'une semaine ou 2 auparavant je m'amusais à grimper toujours plus vite, essayant de battre la vitesse ascensionnelle que je tenais de ma précédente montée, là je suis plus à regarder désespérément l'altitude sur mon altimètre qui augmente bien trop lentement. Je pense que c'est là où j'en ai le plus arraché de ma traversée. La fin à trouver un passage dans les éboulis de gros blocs a été vraiment dur, il aura fallu que je fasse des pauses toutes les 5 minutes. Je suis assez inquiet pour la suite, ma motivation pour rejoindre Banyuls et le plaisir que j'ai à randonner sont toujours bien présents, mais je n'ai plus d'énergie dès qu'il s'agit de monter dans des terrains difficiles.
J'en ai assez de mes flocons d'avoine, et puis je n'ai pas vraiment faim (ce qui m'étonne beaucoup de moi d'ailleurs). Je ne mange plus que mes noix, biscuits et chocolat pendant la journée.
La redescente par les Estanys de la Gallina est superbe : l'eau glisse le long des roches rougeâtre et polies par les glaciers, s'arrête dans des vasques, puis repars à nouveau. Ça fait un mini parc d'attraction aquatique.
J'arrive au Refuge Enric Pujol/Mont Roig. Il est tôt cette fois ci, pas comme la veille à la cabane d'Airoto, et il n'y a encore personne. Chouette, j'aurai une place ! Et puis j'ai largement le temps pour apprécier une baignade/détente dans le lac. Le temps passe, et je ne vois personne arriver. Je fais chauffer mon repas, puis mange seul au pied du refuge, sur le rocher surplombant l'estany Inferior de la Gallina. Le soleil s'est couché et je m'installe sur un des matelas. Toujours personne, et personne ne viendra… c'est bien dommage. Hier c'était complet, aujourd'hui je suis seul. J'espérai pouvoir échanger un peu avec d'autres randonneurs, c'est ma principale motivation à m'arrêter à une cabane. Sinon autant dormir dehors, je dors généralement mieux.
Vue sur mon parcours de demain matin depuis le refuge : le petit replat herbeux pour éviter Noarre, collet sur l'arrête boisée où se trouve l'Estany de Flamisella et Coll de Certascan tout au fond.
J20 / 30 juillet 2020 : Refuge Eric Pujol, Certascan, Circ de Baborte
La boite à sardine/module spatial Enric Pujol. L'intérieur était bien plus accueillant !
Au matin, alors que je m'apprête à partir, je vois un front nuageux arriver du nord-ouest. Il pleut pendant 3 minutes, c'est vraiment pour dire, puis le front nuageux s'en va. Ça n'aura pas rafraîchi l'air d'un brin…
Je coupe par l'Estany del Port pour m'éviter la redescente sur Noarre. Ça se fait bien, le terrain n'est pas du tout en devers. Un peu avant l'Estany Xic, se trouvent de très jolis marécages. À partir de l'orry de l'Estany Xic ça se corse un peu. Je ne vois aucune indice d'une quelconque sente qui monte sur le versant ouest du Tuc de Marterat. J'attaque dans les éboulis mais pars trop vite plein sud sans avoir pris assez d'altitude. Je me retrouve à tailler droit dans une pente devenue très raide. Heureusement que des pins à crochets sont là pour rendre le terrain plus stable. Puis j'arrive à l'Estany de Flamisella, un lac complètement isolé et sauvage. Un troupeau de chevaux paît aux alentours, c'est magique.
Je rejoins un GR assez fréquenté en direction du Coll de Certascan, ça monte tranquillement (ou c'est moi qui suis plus en forme qu'hier ?). J'atteins le refuge gardé de Certascan de l'autre côté sur les coups de 13h, ça tombe bien, j'avais comme un petit creux :). Le refuge ne paye pas trop de mine de l'extérieur, mais c'est un petit refuge familial et le gardien est bien cool (et parle français). Il me sert un délicieux tajine de poulet, riz et haricots avec une bonne bière de microbrasserie. Je me régale ! J'ai vu un peu de tout jusqu'à présent dans les refuges gardés, allant de l'interdiction de rentrer si pas de réservation (refuge de Pombie par exemple) à masque obligatoire mais en fait aucun randonneur ne le porte. Mais là je me crois revenir 5 mois en arrière, comme si ils n'étaient pas du tout au courant de la pandémie : personne n'a de masque, pas d'affiche de partout, on peut circuler comme on veut…
Je repars en pleine forme vers les Estanys de Romedo (celui du haut est beau, celui du bas est bien moche, c'est une retenue). Sans surprise, même si je ne suis pas affamé, un bon repas qui change de l'ordinaire me redonne plein d'énergie. C'était à l'Estany de Romedo de Baix que j'aurai du retrouver mon père et y bivouaquer. Je ne vois pas vraiment de place où on aurait pu poser nos abris… À partir de là aussi, je décroche complètement de la HRP pour rejoindre tranquillement plein sud le GR11, que je suivrai à peu près jusqu'à Puigcerdá. La HRP passe dans des endroits que je connais un peu plus (où plus facilement accessible depuis Toulouse). Ça fait bizarre de se dire que « mes montagnes » sont maintenant plus qu'à quelques pas. J'ai du mal à me rendre compte, à me représenter tout ce que j'ai pu parcourir depuis le début. Ça reste très flou en fin de compte.
Bien que l'estany de Romedo de Baix soit renforcé à coup de béton et qu'une route de gravier y mène, le riu qui en sort coule dans une vallée complètement sauvage. Je la descend jusqu'au Pla de Boavi. C'est clairement la vallée la plus sauvage que j'ai parcourue de toute ma traversée. Tellement que ça me rappelle la Colombie-Britannique : une végétation basse de bleuets (dont je me régale au passage), bruyères et rhododendrons qui couvre tout (pas de grandes étendues d'herbe verte typique des estives/alpages), le torrent qui chute dans des vasques encombrées de bois mort, un sentier qui apparaît et disparaît au grès de la végétation puis, une fois dans le fond de la vallée, tellement encombré d'arbres tombés et envahi par la végétation qu'il faut batailler dedans pour avancer. Que de bons souvenirs ! J'ai cherché mais je n'ai trouvé aucune crotte d'ours. Ça ne m'aurait pas du tout étonné d'en voir ici, surtout vu la quantité de bleuets ! Pas de photos de cette vallée, il n'y avait rien de « beau » à photographier, c'était plus un tout qui fait que je l'ai appréciée.
Initialement j'avais prévu de terminer ma journée au Pla de Boavi, mais il est encore tôt. Après une courte pause dans la fraîcheur du torrent (inutile de préciser qu'il fait toujours très chaud, ça n'a pas changé) je remonte le riu de Sellente par un bon sentier. Alors que je fais une autre pause, à mi-chemin avant le col, pour reprendre de l'eau, je vois un gars sur le sentier qui monte aussi. C'est un allemand, il avait mangé au refuge de Certascan aussi, on s'était croisé, lui arrivait et moi je partais. Il a très probablement du passer par la cabane de la Borda et non par la vallée du riu de Romedo pour m'avoir rattrapé. Ou il marche vite. Mais on ne me dépasse pas comme ça moi ! Je le laisse aller pendant que je filtre mon eau, mange un bout tranquillement, et repars à sa poursuite. Je me dois le rattraper avant le col.
Défi réussi, alors qu'il s'arrête à son tour. Et il ne me repassera plus devant après, l'honneur est sauf :). Nos chemins se séparent demain de toute manière, puisque mois je rejoins le GR 11.
Bivouac dans le Circ de Baborte Au final j'ai pu prendre 6 km/1000 m d'avance, sur mes 2 jours à rattraper.
J21 / 31 juillet 2020 : Circ de Baborte, Pla de Boet, Andorra-La-Vella, vallée du Riu Madriu
Départ matinal car avec l'avance d'hier, je pense pouvoir arriver à Andorra-La-Vella dans l'après-midi et avoir une certaine marge pour refaire des provisions avant que les commerces ne ferment (car je n'ai aucune idée si les commerces andorrans appliquent les horaires français ou espagnol). Je pourrais même redescendre directement sur le Pla de Boet pour faire plus court, mais je préfère quand même m'en tenir à mon itinéraire initial, en rejoignant d'abord la Coma et l'Estany de Sotllo. Ça vaut effectivement bien le détour, l'endroit est très beau, le lac est encore dans l'ombre de l'imposant pic de l'Estany Fondo au moment où j'y passe. Par contre je me retrouve à contre-courant d'une véritable autoroute. Tout y passe, allant des traileurs minimalistes aux poids-lourds en passant par des convois de retraités et des alpinistes. Je comprendrais après en parlant à un groupe qu'ils se rendent tous à la Pique d'Estats, le sommet de la Catalogne, qu'ils appellent d'ailleurs juste « La Pica ». Ah ben il va y avoir du monde là-haut !
Les Pla de Boet et d'Arcalis sont très beau et invitent à la sieste, mais c'est un peu tôt. Je me pose plutôt aux Estanys de Baiau pour manger.
Dernier col, puis je passe par les Estanys Forcats et redescends en Andorre, sur Arinsal. L'endroit est assez sec et aride. Puis j'attrape un bus qui me mène jusqu'à la grande ville.
Je pensais qu'Andorra-La-Vella serait de loin plus intéressante à traverser que le Pas de la Casa, la ville-supermarché par où la HRP passe normalement, pour son côté historique. Ben c'était une grosse erreur. Il y a une circulation et un bruit infernal constamment, plein d'enseignes lumineuses qui flashent de partout, c'est horrible. Je met un temps fou à force d'allers et venues dans les rues pour trouver une boutique où imprimer mes cartes pour la suite. Seule consolation, je trouve une boutique de vrac où je peux facilement me ravitailler en tout plein de fruits secs, mélanges de céréales et de fruits frais pour maintenant.
Évidemment, voulant remanger tous les fruits que je vois, et puis du bon pain et du fromage, et puis plein d'autres trucs… j'achète beaucoup trop. Je commence à attaquer mon festin dans le seul parc que je trouve, mais la ville est tellement bruyante que je n'ai qu'une envie, c'est de m'échapper de tout ça au plus vite. Je ne me sens vraiment pas bien, ce changement d'environnement brutal m'a vraiment traumatisé. Jamais je ne remettrai mes pieds dans cette ville horrible !
Je remonte la vallée du Riu Madriu via le GR 11, avec mes 4 kilos de fruits :D et au clair de lune (j'ai perdu tellement de temps à tourner en rond dans la ville que je repars à la nuit tombée…) et me pose dans un pré près de granges abandonnées.
J22 / 01 aout 2020 : Vallée du Riu Madriu, Estany de Malniu
Une bonne partie de la matinée consiste à remonter la vallée jusqu'à l'estany de l'Illa. C'est une très belle vallée, j'alterne entre forêt de conifères et prés marécageux. C'est très agréable d'avoir autant d'ombre et de fraicheur. La vallée devait être pas mal exploitée auparavant, je vois beaucoup de granges et hameaux ruinés, et je marche depuis le début sur un ancien chemin pavé. Le GR 11 passe par de très belles vallées quand même !
Juste avant l'estany de l'Illa se trouve le refuge gardé du même nom. Un bâtiment imposant et ultra-moderne à l'architecture de stations de ski. Il y a une lourde porte en métal, close. Personne sur la terrasse. Brr, ça ne dégage aucune hospitalité ici !
Le lac n'est pas exceptionnel non plus. Je passe le port de Vallcivera et redescends dans la vallée éponyme, qui m'offre un bien meilleur endroit pour manger et faire la sieste. Je ne me rappelle plus tout ce que j'avais à manger ce jour là, mais il me restait un demi kilo de betterave cuites que je portais depuis la veille ! Pas optimisé du tout mais qu'est ce que c'est bon :).
S'ensuit une autre remontée vers la Porteilla de Calm Colomer, rapidement car l'orage menasse. De l'autre côté se trouvent des lacs. Pas spécialement beau, l'eau n'y est pas très claire non plus. Pourtant ils ont une importance toute particulière pour moi : ce sont les derniers lacs que je croiserai avant Banyuls ! Je tiens absolument à profiter d'une dernière baignade dans des lacs de montagne, du coup je m'installe sous un gros bloc de rocher et attends que l'orage passe, puis vais piquer une tête.
J'ai bien repris ma forme et marche jusqu'au camping/refuge de Malniu, bondé (il y a une piste qui y mène), donc je poursuis un peu pour me trouver un bel endroit au milieu de pins à crochets. Très bel endroit, à un défaut près : c'est infesté de moustiques. Jusqu'à présent, si j'en avais certains soirs, ils ne me dérangeaient pas trop. Mais ceux là sont voraces.
Il me vient l'idée d'utiliser mon paravent comme réchaud à bois, la fumée dispersera un peu les moustiques. En fait je l'avais conçu dans cette idée à la base, pour qu'il serve à la fois de paravent pour mon réchaud alcool et comme simple réchaud à bois. Mais je n'avais pas eu le temps de le tester dans cette configuration avant de partir. Depuis Benasque je mange froid, n'ayant pas trouvé d'alcool dans des quantités inférieures à 1 L (à Andorre j'aurai peut-être pu trouver remarque, mais pas du tout envie de chercher ça dans la ville). En fait ça ne m'a pas du tout dérangé car il ne fait pas froid le soir, ça restreint juste beaucoup les possibilités de repas : à part les flocons ou la semoule, je ne vois pas ce que je peux réhydrater d'autre dans l'eau froide. En fin de compte, je teste donc pour la première fois mon paravent en mode réchaud à bois, posé sur une pierre plate ça marche très bien, j'en suis très content.
Pour dormir, je ferme complètement mon abri, les moustiques d'ici semblent trop bêtes pour comprendre qu'il suffit de passer sous la toile pour rentrer, du coup je suis tranquille.
J23 / 02 aout 2020 : Estany de Malniu, Bourg-Madame
Je ne dors quasiment pas de la nuit ; j'ai d'abord très froid de partout, je me couvre au maximum, alors qu'il ne fait pas plus froid que les nuits précédentes, surtout que je suis pas mal redescendu. Puis plus tard dans la nuit j'étouffe, je suis fiévreux, j'ai du mal à respirer, j'ai de la nausée mais n'arrive pas à vomir.
Au matin je me sens extrêmement faible, j'ai à nouveau froid, aucun appétit. Je pars direct (d'autant plus que les moustiques se sont réveillés eux aussi). Je ne sais pas trop ce que j'ai, mais vu mon état je préfère redescendre dans une ville et trouver une pharmacie que de rester ici, au cas où ça s'aggrave. Atteindre Banyuls semble bien compromis à présent :(. Heureusement que c'est de la piste toute plate puis en descente jusqu'à Puigcerdà ; j'avance en mode zombie, mettant un pied devant l'autre par automatisme, sans aucun effort et en dormant à moitié. J'ai de violentes crampes d'estomac qui me forcent à m'allonger régulièrement, le temps que ça passe. Le paysage est globalement moche, beaucoup de chantiers de coupe, puis de la route et des champs en plein cagnard jusqu'à la ville. Ça me semble interminable. Je fais une sieste dans l'un d'eux car je ne suis plus capable d'avancer.
Arrivé à Puigcerdà vers 13h, je me sens moins fiévreux et malade, juste totalement épuisé. C'est jour de marché, j'achète une moitié d'une (trop) grosse pastèque (la dame ne voulait pas me vendre un quart : « verá, es muy muy buena ». Je veux bien, mais de là à manger une demi pastèque à moi tout seul en une fois !), je n'ai toujours pas très faim mais ça me réhydrate bien. Je passe l'après-midi dans le parc de la ville à récupérer de ma nuit blanche. Le soir ça va mieux, mais je préfère quand même rester en ville, en attendant de voir mon état demain matin. Je ne sais pas vraiment ce que j'ai : de l'eau souillée ? Effectivement j'avais pris de l'eau à une source qui me semblait correcte sans la filtrer.
Je pars trouver un camping de l'autre côté de la frontière (je me sens plus rassuré d'être en France probablement), à Bourg-Madame. Je rentre dans un premier camping qui s'avère être envahit de camping-cars en piteux état, voir carrément rendus au statut d'épave. Je fais le tour et ne vois aucune place où je pourrai installer mon abri, pourtant pas bien grand, au milieu de ces débris automobiles. C'est austère, il n'y a personne… Bon allons voir l'autre. C'est un peu l'opposé, il est rempli de camping-cars et bungalow flambants neufs, je serai là seule « tente », mais au moins c'est pas une casse automobile. La douche chaude me fait du bien, et je m'endors direct.
J24 / 03 aout 2020 : Bourg-Madame, Col de Nuria
J'ai très bien dormi et me sens plutôt en forme, je suis rassuré et très content ; je ne sais pas si je pourrai arriver à Banyuls à temps, mais au moins je suis suffisamment en forme pour poursuivre !
Je repasse la frontière franco-espagnole par un chemin de terre, un vieux panneau « Douane − Passage Interdit » est planté là entre 2 champs, vestige d'une époque révolue. Je retombe à nouveau sur le GR 11 qui me mène par une piste de terre à travers une pinède jusqu'au Pla de les Salines. La piste à le mérite de me monter 1000m plus haut sans gros effort. En plus la température a chutée et il fait enfin une chaleur supportable.
Là-haut, des souvenirs du Pays Basques me reviennent : des montagnes tout en rondeurs, des chevaux un peu partout, de l'herbe d'un vert éclatant, et des nuages. Tiens oui, des nuages. Beaucoup même côté espagnol, et ça déborde côté français ! Ce n'est pas le bon moment moi qui vais passer le restant de la journée sur la crête.
En effet, c'est le début d'une longue crête toute en montagnes russes, pour mon plus grand bonheur : pic de Gorrablanc, Puig de Dòrria, Puigmal d'Err, Pic de Sègre, Pic de Finestrelles, Pic de Nuria… ça n'en finit pas. C'est juste le programme de la journée, il m'en restera encore pour demain ! C'est un régal, le sentier est bien tracé tout le long. Les nuages semblent se tenir tranquille derrière moi.
J'ai le ventre bien ballonné, ce qui m'empêche de respirer correctement, pas trop d'appétit et je fatigue très vite dans les montées. À l'occasion d'une pause, je fais un point sur les étapes restantes : je peux atteindre Banyuls le dimanche soir en faisant des étapes raisonnables, étant donné que la difficulté globale du parcours va en décroissant. Je suis à nouveau confiant de finir ma HRP et ça me remotive bien. J'atteindrai Banyuls avant dimanche soir coûte que coûte.
Je décide d'arrêter ma journée une fois redescendu au col de Nuria, en haut de la vallée d'Eyne. C'est pas le meilleur spot de bivouac, en plein dans la caillasse, mais mine de rien j'ai sacrément marché aujourd'hui. Je n'ai par contre pas croisé d'eau depuis le Pla de les Salines, et il faudrait que je pousse jusqu'au Coll de Carançà où se trouve deux petits lacs. Définitivement trop loin. Je pourrais descendre dans la vallée d'Eyne, mais j'ai un peu la flemme. Je vais faire avec le peu qu'il me reste ce soir et prendrai mon petit-déj à la première occasion le lendemain.
J25 / 04 aout 2020 : Col de Nuria, Pla Guillem
La nuit aura été agitée, ça a soufflé bien comme il faut et la température a drôlement chuté : 2 °C au réveil, ben dit donc ! Les rafales continuent, j'essaye de plier mon camp sans rien laisser s'envoler. Je suppose qu'il s'agit de la tramontane. Et la tramontane à 2700m, c'est froid ! Je peine à marcher droit dans les rafales et malgré gants/bonnet/doudoune, je suis transit de froid par le vent. Pic d'Eyne, Pic de les Nou Fonts, Pic de Noucreus, Pic de La Fossa del Gegant, Pic Superior de la Vaca… et enfin je descends versant sud à l'abri du vent. Quel contraste !
Je suis plus très loin de Valter 2000, et donc beaucoup de marcheurs de toutes sortes montent vers les crêtes… en manches courtes tranquille. Ils me regardent bizarrement emmitouflé dans ma doudoune, mais je me marre intérieurement à la surprise qu'ils auront là-haut !
Au premier ruisseau croisé, je me pose pour refaire le plein d'eau, prendre mon petit-déj et me dorer au soleil.
Je traverse le domaine skiable de Valter 2000, c'est très moche et plein de monde. Je ne comprends pas pourquoi les gens viennent randonner en montagne dans les endroits les plus moches et dénaturés mais bon… Jusqu'à présent j'avais réussi à éviter les stations de ski alpin, ou au moins ne pas les traverser en plein milieu.
Une fois Valter passé au pas de course, je remonte et poursuis sur des « pla ». C'est tout… plat. Pendant des kilomètres et des kilomètres. Ça fait presque bizarre de marcher sans monter ni descendre. Mais du coup ça va très vite.
À la Porteilla de Rotja, c'est un moment très particulier ; ça y est, j'aperçois cette grande étendue qui va mettre fin à mon parcours. Je me demandais encore hier à partir de quand je l'apercevrai. Je ne pensais pas voir la mer de si tôt en fait.
Il y a une belle mer de nuage côté espagnol, bien que les montagnes soit bien plus basses. Un effet de la tramontane, quand elle souffle en France, les nuages s'accumulent côté espagnol ?
Au Pla Guillem. L'horizon est un peu… vide maintenant.
Je passe le Pla Guillem et descends en contrebas, près de l'orri de Llipodere, pour être un peu à l'abri du vent. L'orri est squatté (de longue date vu l'odeur !) par un mouton solitaire, visiblement perdu. Dommage il était beau. Je m'installe un peu à l'écart, je n'aime pas trop les voisins avec aussi peu d'hygiène. Bon, je ne dois pas être mieux que lui remarque !
C'est l'occasion d'un deuxième test de mon paravent-réchaud-à-bois. Cette fois bien moins concluant. Tout ce que j'arrive à faire, c'est de la fumée et du charbon. Ça ne tire pas assez, il faudrait que je perce plus de trous, mais j'ai alors peur de le rendre moins protecteur en mode paravent. Un compromis à trouver.
J26 / 05 aout 2020 : Pla Guillem, Canigou, Puig de Sant Pere
Aujourd'hui sera une petite journée : montée au Canigou puis j'entamerai la redescente. C'est la fin des Pyrénées.
Bien qu'on soit un jour de semaine, il y a un monde fou qui monte au Canigou. La cheminée du versant sud est une véritable autoroute, ça bouchonne. Au sommet, on tient à peine, on se marche sur les pieds, vive la distanciation sociale… Et ça continue d'arriver de tous les côtés. Quelle joie de me retrouver là :(. Je prends quelques photos vite fait, prends aussi d'autres personnes en photo, qui me demandent d'« essayer de nous avoir que nous sur la photo, mais quand même qu'on voie la croix et la vue ». Je vous cache pas que ça va être très très compliqué, là. Avec des têtes et des bras qui dépassent d'un peu tous les côtés de la photo, j'espère qu'ils en seront contents quand même. Au pire il apprendront à faire de la retouche d'image…
Je reviens sur mes pas jusqu'à la Porteilla de Vallmanya pour emprunter le sentier-du-gardien-du-refuge-des-Mariailles. Ouf, c'est tout calme à présent ! Je descends, descends… Il n'y a plus de montagnes devant moi. À un peu moins de 2000 m, j'entends ma première cigale ! Quoiqu'encore un peu timide.
Je m'arrête pour manger tant que j'ai encore un peu de vue sur la plaine de Perpignan et le Golfe du Lion. Il y a des vaches pas loin de moi, quoi de plus banal ? Je m'assis dans l'herbe. Et à cet instant précis, toutes les vaches se mettent à accourir sur moi. Je me relève d'un bond, sur le coup je ne sais pas trop comment réagir et encore moi ce qu'elles me veulent, je monte sur un mini rocher à côté pour prendre de la hauteur. Elles n'ont pas l'air du tout agressives, c'est comme si le fait de m'être assis en face d'elles avait eu une signification pour elles. Une fois autour de moi, elles me regardent avec impatience. Je m'éloigne, elles me suivent. Je me rassois et attends qu'elles se lassent. Je ne vais pas vous donner à manger, vous avez de l'herbe à manger de partout. Vous traire ? Peut-être, je vois pas d'autre explication… Elles finissent par me laisser manger en paix.
Le sentier se suit plus difficilement quand les arbres se font de plus en plus présent, mais je finis par retomber sur le GR 10. Un très beau sentier en balcon dans la pinède. Je pourrai aller vite vu le peu de difficulté qu'il présente, mais au contraire je marche tranquillement pour apprécier ces derniers instants. Demain ce ne sera plus du tout la même chose. Je m'arrête un moment à la cabane forestière du Pinatell. Et encore une autre petite pause à la seconde cabane forestière de l'Estanyol, elles sont chouettes ces cabanes tout en bois !
Mais je préfère aller passer la nuit dans un environnement plus dégagé. Au Puig de Sant Pere, j'ai d'un côté le soleil couchant derrière l'imposant massif du Canigou et le massif des Corbières, et de l'autre la vue sur la mer et Arles-sur-Tech. Je serai ainsi aux premières loges pour le lever du soleil sur la méditerranée :).
J27 / 06 aout 2020 : Puig de Sant Pere, Arles-sur-Tech, Roc de France
Comme prévu, je me réveille dès les premières lueurs pour ne rien manquer du spectacle :
Je descends tranquillement vers Arles-sur-Tech par le GR 10, avec au passage une petite exploration de la galerie de mine de fer de Batère (qui semble s'enfoncer bien profond dans la montagne, je ne suis pas allé jusqu'au bout). Je traverse une sorte de camping/village clandestin au milieu d'une forêt de chênes, des camping-cars, caravanes voir petites cabanes sont cachés un peu partout, avec des petits sentiers bien entretenus, des mini-potagers, des guirlandes électriques et du linge qui sèche. Mais je ne vois personne.
Le long du sentier il reste beaucoup de vestiges de l'exploitation minière et du monte-charge qui descendait le minerais à Arles. Il y a notamment au fond de ce hangar un refuge (refuge du Vigourats) aménagé dans une pièce attenante, avec cheminé, table et couchette. Assez propre, mais j'imagine qu'en cas de vent et/ou pluie, ça doit être très bruyant avec toute la tôle du hangar :
Refuge du Vigourats, première porte à droite
La végétation devient très vite méditerranéenne : pins sylvestres, chêne verts, chênes liège, cistes… Ça sent l'odeur chaude de la garrigue.
Petit détour pour voir un joli dolmen
Je suis à Arles-sur-Tech à midi. J'en profite pour manger frais mais n'achète rien pour les prochains jours. J'ai tellement acheté de nourriture à Andorre que je peux largement tenir jusqu'à Banyuls. C'est bête car entre Puigcerdà, Arles-sur-Tech et Le Perthus comme opportunités de ravitaillement, j'aurai pu n'avoir qu'un ou 2 jours de bouffe dans mon sac et profiter de marcher vraiment léger. C'est ce que j'avais prévu à la base d'ailleurs, mais bon, mon estomac à été le plus fort. Facile, c'est pas lui qui porte !
Je profite d'avoir de l'électricité pour allumer mon téléphone et faire le point sur les dernières étapes. C'est le dernier jour pour lequel j'ai fait réimprimer mes cartes. Ensuite, comme c'est majoritairement le GR 10, je me suis dis que ce n'était pas nécessaire. Du coup je me note sur papier les principaux points de passage, sommets, sources potentielles pour que je sache où j'en suis.
La remontée vers la chapelle de Santa Engràcia se fait sous un dur soleil, je dégouline de partout. Je suis redescendu tellement bas aussi, 300 m d'altitude, je n'ai jamais été aussi bas depuis mon départ. L'endroit et sympa et bien restauré avec des petites restanques, une terrasse, quelque plantations aromatiques et barbecue en pierre, une fontaine un peu plus loin. L'occasion d'une sieste digestive.
Je poursuis dans le ravin de Montdony. C'est un peu l'inverse d'une HRP, mais l'avantage c'est que je suis dans la fraicheur du torrent au lieu de suer à grosses gouttes sur les crêtes.
Mais bon, à un moment donné il faut quand même remonter, direction le Roc San Salvador/Roc Saint-Sauveur. Je ne comptais pas y passer à la base, mais je suis plutôt en forme. Faut dire que je n'ai surtout fait que descendre aujourd'hui ! J'y monte à bon rythme.
Et ben le Roc San Salvador vaut clairement le détour ! C'est vraiment un gros « roc » sur lequel on escalade. Il faut bien suivre le balisage bleu (et non jaune, qui lui le contourne). De là-haut on a une vue en surplomb à 360°.
Il y a des chèvres sauvages au sommet.
Avant de remonter sur les crêtes, je mise sur le fait que la Font de l'Avet coule pour faire le plein avant le soir. Pari gagné, même si il faut la dégager de pas mal de feuilles de hêtre qui la bouchent.
Je bivouac à la Collada de San Martí (enfin un peu à l'ouest, sur la ligne de crête). Alors que je suis en train de manger, j'entends des « tac » secs et répétés. Je vais voir derrière la crête, des jeunes mouflons sont en train de jouer ! J'en ai rarement vu, et je ne pensais clairement pas en voir dans les Pyrénées-Orientales. Très beau moment inattendu.
Couché de soleil sur le Canigou
J28 / 07 aout 2020 : Roc de France, Le Perthus, Crête de Tagnarede
C'est mon avant-dernier jour aujourd'hui. Il n'y a plus rien qui ressemble à de la montagne tout autour de moi. J'ai hâte d'arriver à Banyul, hâte de remanger des vrais repas, mais je sais que les bivouacs vont m e manquer et me replonger dans la routine quotidienne me fait peur. Je suis tellement bien à passer mes journées à marcher et dormir dehors.
Avant Las Illas, je manque l'intersection pour les Salines et poursuis sur le GR 10. Pas désagréable au début à travers une très belle hêtraie, la suite me fera traverser un chantier forestier et pas mal de route. Je me paume dans Las Illas, il y a plein de routes résidentielles dont aucune ne va droit, c'est un vrai labyrinthe. Il faut dire qu'il n'y a ni col, ni pic, ni ravin, ni cairn pour m'aider. Je suis quelque peu perturbé par ce nouvel environnement !
La suite n'a pas d'intérêt, de la piste jusqu'au Perthus. La source du Mas Nou, réputée fiable, coule au compte-goutte et il a plein de détritus autour. Je me dis que je tiendrai bien jusqu'au Perthus avec ce qu'il me reste. Seules les ruines romaines de Panissar et le Fort de Bellegarde présente un intérêt. On ne peut plus rentrer dans l'ancienne redoute, la porte était fermée. Dommage. C'était encore possible il y a quelques années de ça d'après d'autres récits. Je visite par contre les ruines au sud du fort. C'est plein de mures au passage, je me régale. Et ça calme ma soif, ça fait un moment que je n'ai plus d'eau.
Au Perthus, je bois 1 L d'une traite, refais le plein et repars rapidement. Une fois l'autoroute franchie, c'est encore de la piste sous la canicule. 30 minutes après, j'ai déjà quasiment fini mon litre d'eau. Un peu avant le hameau de Saint-Martin-de-l'Albère, j'aperçois un tuyau d'une source captée au dessus de la piste. Je n'hésite pas une seconde, je pose mon sac et prend une douche tout habillé pour faire redescendre un peu la température.
Je ne savais pas encore trop où je bivouaquerai ce soir. À Saint-Martin ? Bof, il est encore tôt, je poursuis au Coll de l'Ullat. C'est sympa à l'exception qu'il y a une route qui y mène et donc plein de monde font du camping au pied de leur voiture. Je poursuis au Puig de Neulós. De toute manière je suis en forme, je n'ai pas fait mon quota de dénivelé aujourd'hui et ça se sent ! Finalement je m'installerai sur les coup de 20h au Pla de Tanyareda, avec, encore une fois, une vue sur la mer. Je pensais avoir des bivouacs plutôt moches pour les derniers jours, mais finalement c'est loin d'être le cas.
De là j'ai une vue sur les dernières crêtes et ma destination finale, que je devrais atteindre demain en milieu de journée.
J29 / 08 aout 2020 : Crête de Tagnarede, Banyuls-sur-Mer
Contrairement à la veille, ce matin je ne suis plus du tout pressé d'arriver à Banyuls. C'était ma dernière nuit dehors, je parcours ma dernière crête et monte sur mes derniers sommets. Et bientôt je ferai mes derniers pas de cette traversée.
Je ne vois plus la mer. En tout cas la vraie. Il y a une sorte de mer de nuage ou brume à une centaine de mètres d'altitude qui arrive de l'ouest et empêche de voir en dessous des crêtes. Ça se dégagera lentement dans la journée.
Il y a énormément de monde je trouve, en majorité des randonneurs du GR 10, mais aussi quelques uns qui terminent leur HRP.
Je monte sur tous les petits mamelons possible sur la crête (Puig de l'Orri, de Pradets, dels Quatre Termes) pour faire durer le plaisir. Malheureusement passé le Pic de Sallfort il faut bien redescendre.
C'est la redescente finale. Je traverse les vignobles de Banyuls, je ne résiste pas à piquer quelques grappes. Je commence à sentir l'air marin qui rafraîchit un peu l'atmosphère.
Sur le bord de la piste à l'ombre, j'entends 2 randonneurs discuter, l'un d'eux demande si sa traversée c'est bien passé. Comment ça « s'est passé » ? Le temps au passé me perturbe. Ce n'est pas terminé, on est encore en train de marcher ! Ça me fait tout bizarre d'entendre ça. Mais oui, il ne reste que quelques kilomètres, il faut que je me fasse à l'idée que s'est finit.
J'ai un sentiment bizarre d'appréhension et de stress avant d'arriver sur Banyuls, comme si je ne savais pas ce qui allait m'attendre. Exactement ce que je ressens en arrivant chez de la famille ou des amis que je n'ai pas vu depuis longtemps.
Finalement j'entre dans Banyuls-sur-mer, samedi 8 août à 12h30. La marche dans les rues de la ville fait durer le suspens, puis j'atteins la plage. Là c'est sûr, je ne peux pas aller plus loin, en tout cas pas en marchant !